Moulins-Breuilmont (Indre)
Localisation
:
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Histoire
:
Cette maison fut fondée en 1140/1141 (comme Sauzai n°55 dans la forêt
du Poinçonnet), sous le priorat d'Etienne de Liciac (1140-1163), vers
1150 par Robert V de Buzancais.
L’église présentait des caractéristiques très
voisines à Saint-Michel de Lodève, confirmant une construction
d’avant 1189. Cette fondation fut confirmée par les Rois de France
et les Rois d’Angleterre.
Le prieuré n’eut que de brèves années de prospérité,
une centaine. La contestation qui s’établit dans l’ordre
(1187/1219) s’installa à Brûlemont.
En 1295 la celle abritait 5 clercs.
En 1317, elle fut unie à Villiers et périclita rapidement.
Dans un compte de 1351 le “corrector de Broglio” est recensé
comme personne exempte.
En 1353, une épidémie importante de peste noire fit périr
la moitié de la population de Valençay, ville voisine. La découverte
à Brûlemont en 1951 d’un charnier, fosse commune situé
à l’emplacement du cimetière, derrière l’abside,
d’une douzaine de squelettes entassés et jetés pêle-mêle,
bien conservés avec des traces de chaux, permet de penser que la peste
noire pourrait être responsable de la disparition de la communauté.
D’où l’abandon précoce de la pratique religieuse,
de l’entretien, et la transformation en simple terre de rapport dépendant
de Villiers, d’autant que durant la période 1370/1379 les aléas
de la guerre de Cent ans, épisode du Prince Noir, furent sensibles dans
ce secteur.
En 1651, la celle était affermée par le prieur de Villiers au
Sieur Pierre Bottin.
En 1653, dans l’aveu et dénombrement rendu à Châteauroux
pour la veuve du Baron de Levroux, il est fait l’inventaire de la celle,
église et bâtiments conventuels transformés en métairie
ainsi que la liste des divers droits dont trois arpents de vigne au lieu-dit
Montenay, commune de Baudres.
En 1669, l’ensemble des titres de Brûlemont était gardé
dans un grand sac en papier au prieuré de Villiers. Ils ont disparu sans
que l’on en retrouva la trace.
En 1675, les religieux de Villiers furent condamnés par le Conseil du
Roy (signé par d’Harblay), à payer au comte de Fiesque,
Baron de Levroux, les droits concernant le prieuré de Breuilmont, et
à lui rendre foi et hommage. Cette condamnation était contraire
aux règles de l’Ordre qui ne recevait pour s’installer que
des terres totalement libres. Cette condamnation semble confirmer soit l’abandon
ancien de la vie religieuse, et la perte fortuite où non des titres du
prieuré par les religieux de Villiers, où elle est liée
(compte tenu de l’origine commune avec Sauzai) avec l’abandon de
ce dernier en 1622 par le Pape Grégoire V au profit du Prince de Condé,
qui avait acquis la baronnie de Châteauroux en 1612.
En 1687, reconnaissance de foi et hommage est rendu par Dom Jacques Dasche,
prieur claustral de Villiers au Sgr de Levroux. Cette reconnaissance porte mention
de l’église encore en état.
En 1717, un procès est intenté par le prieur commendataire de
Villiers, Pierre Colin, Doyen du Chapitre de Montrésor, au Prieur claustral
de Villiers. Deux experts furent commis pour expertiser les monastères
de Villiers et de Breuilmont. L’affaire ne traîna pas: le sieur
Colin, conseiller du Roi, et le sieur Malduit, Procureur d’un collège
à Paris, experts désignés, après avoir visité
Villiers se dirigèrent sur Moulins à dix lieux de là. Descendu
dans une auberge de Levroux, l’aubergiste qui connaissait bien l’endroit,
les y mena le lendemain à huit heures du matin. Cette maison à
leurs dires “semblait avoir constitué un couvent”.Ils y trouvèrent
une église et trois corps de bâtiments contigus à celle-ci.
Ces derniers :"fondus et ruinés " soit, somme toute, une maison
religieuse complète mais sérieusement délabrée.
C'est ce que confirma un autre procès-verbal de visite du 11 juillet
1724 (voir pièces) établi par Joseph Havane, Conseiller du Roi
et Maître particulier des Eaux et Forêts du ressort de Loches, Maître
François-Robert Boullay, Procureur du Roy, et Jean Pasquier, Maître
entrepreneur.
Ces procès-verbaux et les ruines encore présentes actuellement
permettent de dresser le plan ci-joint du prieuré de Grandmont-Brûlemont
(Moulins) dont les caractéristiques seraient:
église : longueur de la nef 24,40 m
abside 3,80 m
longueur totale 28,20 m
largeur de la nef 6,84 m
décrochement 0,38 m
partie droite 2,70 m
voûte en cul de four - fenêtres : angle d’ouverture par rapport
au centre de l’abside : 42°65, ébrasure : 55°5 (identique
à St Michel). Présence d’un clocher (cloche de 300 à
400 kg) et de piliers butants.
bâtiments : passages 3,10 m x 6,10 m
salle capitulaire 6,10 m x 6,10 m
salle des moines 6,10 m x 12,20 m
réfectoire 6,10 m x 14,50 m
cuisine 6,10 m x 8,00 m
salle des hôtes 6,10 m x 8,00 m
cloître extérieur 3,10 m
mur bahut 0,60 m
intérieur 9,00 m x 9,00 m
Il ressort de ce procès-verbal: que l'église qui mesurait 75 pieds
de long sur 21 de large, avait sa voûte effondrée sur 25 pieds.
Le choeur restait toutefois intact avec ses trois fenêtres au chevet.
Les bâtiments conventuels qui avaient subi les injures du temps furent
abandonnés. Il fut décidé de restaurer et de conserver
le choeur de l’église en édifiant un mur au niveau de la
porte des moines, le puits et une partie du bâtiment Est. Un mur fut édifié
au niveau de la jonction du bâtiment Est et du bâtiment Sud, en
utilisant pour cela les matériaux récupérables sur les
bâtiments sud et ouest, et le produit de la coupe de bois pour 7000 livres.
Ce bâtiment fut destiné spécialement au logement d'un religieux
qui: "lequel serait préposé à la desserte d'icelle
maison, pour perpétuer du moins en partie à la volonté
de nos très pieux souverains fondateurs Rois, pour l'accomplissement
de la religion, l'utilité et l'édification du peuple ".
En 1742, l’aveu et dénombrement rendu par Jean-Baptiste Boutang,
Prieur de Villiers, au Marquis de Longaunay, Baron de Levroux, confirme ces
travaux, et donne à l’ensemble ainsi constitué l’appellation
de manoir de Grandmont-Brûlemont.
En 1782, Moulins se trouve depuis les lettres-patentes de 1770, entre les mains
du petit séminaire de Tours, et du prieur commendataire Jacques-Louis
de Baraudin, doyen du chapitre de Loches. Bien que la mense conventuelle était
dévolue au petit séminaire de Tours, Jacques-Louis de Baraudin
vendit Moulins 8.000 livres à Henry d'Hérer de Paudray, avocat
et bailli de Levroux, pour aider à la constitution de la dot de sa soeur,
qui devait épouser le Comte de Vigny, et devenir la mère du grand
écrivain Alfred de Vigny (1797 - 1863).
C’est la fin de Grandmont-Brûlemont en tant que maison religieuse.
L’ensemble ainsi constitué en manoir le resta une centaine d’années
dans la famille d’Hérer du Paudray - Berthommet de Montroger. Les
ruines du monastère existaient encore en 1831.
En 1842, il devint la propriété de Nestor Boucher. Il fit détruire
l’église et le manoir à l’exception du passage du
cimetière transformé en cellier. Il fut le constructeur d’une
maison bourgeoise en utilisant les matériaux, et en s’appuyant
sur les fondations anciennes. C’est de cette époque que date le
magnifique cèdre de Grandmont.
Il revendit peu après en 1844 à M Bellanger-Hue, maire de Menard
(41), qui fit l’agencement intérieur.
En 1865, Jules Favre, avocat célèbre par le procès des
canuts de Lyon, académicien, sénateur, Sous-secrétaire
d’État en 1848, et Ministre des Affaires étrangères
en 1871. Il fut le négociateur de l'armistice et de la paix avec l'Allemagne
en 1871, se rendit acquéreur de Breuilmont.
Cette propriété lui avait été indiquée par
un de ses confrères Me Perrin, avoué près la Cour Impérial
qui avait acheté dans les environs le château des Forges.
Il fit procéder à l’agrandissement et à la transformation
du lieu en château XIXème s., par les soins de l’architecte
Dauvergne (deux ailes supplémentaires, deux galeries, chapelle avec deux
vitraux de l’atelier Lobin, bâtiment annexe avec atelier de peintre
pour son gendre Martinez del Rio. Il porta la surface de la propriété
à 140 ha. Jules Favre venait y passer régulièrement ses
vacances. Il prépara à Breuilmont son discours de réception
à l’Académie Française. Le grand tribun aimait parcourir
la campagne et parler avec les paysans, et ses relations se bornaient à
voir ses voisins et amis Perrin, le curé de la paroisse, et quelques
voisins. Après 1871, rendu responsable, bien à tort, du malheureux
traité de Frankfort, il vint à Breuilmont pour fuir la capitale
hostile. Il y rédigea ses mémoires, pour tenter de se justifier.
Un jour, faisant allusion à la partialité de ces attaques, il
déclara :“ Ce qui me peine, ce ne sont pas les sarcasmes, les injures
que l’on m’adresse, c’est de penser que ce peuple (les Prussiens)
dont l’orgueil et l’ambition sont sans bornes, sera amené
à faire de nouveau la guerre à la France”
Mais comme beaucoup d’avocats réputés de son temps, il avait
beaucoup plaidé, mais pour la gloire mais non pour l’argent. Il
décida de se fixer à Versailles, et vendit du même coup
son hôtel de la rue d’Amsterdam à Paris, et Breuilmont. Dans
une lettre qu’il adressait à Me Arnou, son notaire de Levroux,
il lui écrivit :
J’ai pris cette détermination, mais je regretterai toujours ma
chère maison à cause surtout des gens que j’y ai connus”.
A noter que Jules Favre était le grand-père du philosophe chrétien
Jacques Maritain.
En 1875 Moulins devint la propriété de M Rouillon, notaire honoraire
à Levroux, qui à son décès le 12 février
1903 transmis le bien à son légataire universel, son cousin germain
Ernest Delorme. Ernest Delorme le transmit à son fils Marcel en 1923,
qui échangea son bien avec Gustave-Edouard Fignon instituteur à
Vineuil en 1926, et en 1928 Moulins est vendu au Baron Gourlez de La Motte et
à sa femme Jacqueline-Noëmie-Thérèse Chilhaud-Dumaine
demeurant à Beauregard Velles.
En 1930, la propriété est démembrée, François
Cuilleret, administrateur des services civils de l’Indochine et son épouse
née Gabrielle-Céline Rouet devient propriétaire du château
et de 22 hectares. La ferme est vendue à Jean Huet-Pain.
Le château est revendu à un industriel laitier de Raon-l’Étape
en 1938, René Noble et son épouse Lucie Masson.
Le château est revendu en 1950 au médecin-colonel Jean-Fernand-Germain
Mauzé, directeur de l’Institut Pasteur de la Guadeloupe et à
son épouse Marie Touzin.
Après la dernière guerre ce nouveau propriétaire, découvrit
des restes de squelettes humains à l'Est du passage du cimetière,
preuve que le chevet de l'église était bien un lieu de sépulture
normal pour les monastères grandmontains.
En 1987 Moulins devint la propriété d’Anne-Marie Christine
de Clermont-Tonnerre épouse d’Hubert Gaignault.
Ce sont eux qui revendirent l’ancien prieuré de Moulins-Breuilmont
en 1996 à M Jacques Capitaine ingénieur honoraire, et Mme née
Annick-Marie-Berthe Hervé.
Les armoiries étaient d’après J.B Riestap :
“D’argent à deux bandes d’azur, et un bourdon de gueules
brochant en bande sur le tout, correspondant au blason d’Antoine Izore,
prieur de Villiers (1542-1589).
Référence d’Hozier :
“D’or à deux bandes de sable et deux pals d’argent
brochant sur le tout”.Références et Bibliographie :
- Archives départementales de l’Indre.
- Le “Bas-Berry”, histoire et archéologie de M. Eugène
Hubert, Archiviste départemental de l’Indre.
- Les “Cahiers Grandmontains”.
- Histoire de l’ordre de Grandmont par le R.P Jean Fouquet et le Père
Philippe Etienne.
- Annonces judiciaires du 5 juin 1831.
- Revue de l’académie du Centre (1969) de M l’abbé
Bourderioux.
- CENTRE-ÉCLAIR du 8 Mars 1951.
- Correspondances MM Greslier et Vernhes.
- L’ordre de Grandmont - Essai historique de l’Abbé Marcel
Terre.
Remerciements à MM Bresson et Vernhes (GEREG), au Père Ermite
Philippe-Etienne (Prieuré de Grandmont-Villiers), et à M du Pouget,
Conservateur des Archives de l’Indre,
pour leurs conseils et leur aide.
C’est grâce à M Capitaine, qui a bien voulu écrire
cet article pour que nous connaissons toute la genèse de cette histoire.
Nous l’en remercions bien vivement.