Une grande partie de celles-ci furent construite sous le quatrième prieur Étienne de Liciac. De 12 maisons il en porta le nombre à 74. Il semble que ce fut lui qui eu l'idée de faire construire toutes les celles sur le même plan. Ce prieur reçu l'appui des grands de ce monde. Henri II Plantagenêt qui avait épousé Aliènor d'Aquitaine en 1152 combla les grandmontains de ses faveurs. Puis le 5e prieur Pierre Bernard de Boschiat reçu lui aussi de nombreuses donations du Roi de France, Louis VII le Jeune, et fonda 14 autres celles.Comment cela se passait-il ?Le prieur recevait un jour à Grandmont la demande d'un seigneur désireux de faire un don à l'ordre. Il mettait généralement à leur disposition une "terre", généralement sur les marches de son royaume, dans un endroit inculte. Le lieu était généralement couvert de broussaille et devait être essarté, c'est-à-dire débroussaillé ; il fallait enlever les arbres et arbrisseaux, et leurs racines. Un gros travail en somme.A Grandmont le prieur après s'être assuré d'une renonciation totale et formelle de ceux qui pouvaient prétendre à quelque droit sur le bien, surtout s'il s'agissait d'abbayes, désignait une communauté qui soit prête a partir fonder la celle. Cette communauté avait à sa tête un correcteur, c'était un convers et non un clerc, originalité de l'Ordre. Il avait avec lui une douzaine de convers et trois ou quatre moines prêtres (clercs). L'envoi en mission se faisait solennellement après l'office célébré pour l'anniversaire de la mort de St Étienne, le 6 février de chaque année. La ou les petites troupes se mettaient en route le lendemain matin de très bon heure, peut-être après l'office de nuit. Dans la nuit, à la lueur de torche, ils partaient avec un âne ou un cheval chargé de matériel sommaire mais nécessaire pour l'accomplissement de leur tâche, sans doute quelques outils (pics, bouchardes, gradines pour la taille des pierres, corde à 12 nuds, etc) . Prenons un exemple concret, la fondation de la celle d'Étricor, actuellement à la limite de la Charente et de la Haute-Vienne, mais en ce temps là sur le diocèse de Limoges. Elle fut fondée vers 1148 sans doute avec un don des princes de Chabanais, comme l'avait été l'abbaye de Lesterps |
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Donc un 7 février au petit matin la petite troupe se mettait en route, et cheminait dans la neige qui à cette époque de l'année couvrait les hauteurs des monts d'Ambazac en direction d'Ambazac, et plus sûrement de Muret où la petite expédition faisait halte pour écouter la messe et se restaurer avant de repartir en direction de Limoges. L'étape du soir dut se faire le soir à Balézis, autre prieuré de l'Ordre fondé dans les premiers temps de l'Ordre, qui se trouvait à la sortie ouest de Limoges, près de la Vienne. Le lendemain après avoir écouté l'office la petite troupe reprenait son chemin vers l'Ouest en suivant le cours de la rivière Vienne. Les sanctuaires recurent leur visite, la Chapelle Blanche, St Victurnien et surtout le tombeau de St Amand à St Junien, avant d'arriver le soir tard sur le lieu de ce qui devait devenir Étricor. Son nom, Étricor était la contraction du vocable donné à la celle : Sancti Pardulphi de sTRIcto CORnu, qui devint successivement Estricorn puis Étricor.Arrivée à pied d'uvre la petite troupe se mettait en devoir de nettoyer le lieu de toutes les plantes, arbrisseaux, et arbres pour faire place nette à ce qui devait devenir le prieuré. Les troncs d'arbre étaient soigneusement mis de côté pour leur utilisation future. Ils se construisirent des huttes avec les branchages en attendant les constructions en dur. Elles devaient être semblable à celles des feuillardiers ou des charbonniers. Il fallait aussi songer à se nourrir, et faire pousser quelques légumes. La rivière Vienne ainsi que le ruisseau de Malonde qui bordait l'enclos fournissait le poisson |
Quant le terrain destiné à construire le prieuré fut nettoyé vint le moment de tracer au sol l'emplacement des bâtiments. Sans doute un "maître d'uvre" venait- il de Grandmont donner des instructions et conseils. Peut être apportait- il des gabarits en bois pour tailler les moulures propres à l'édifice. On se mettait en recherche d'une carrière fournissant le materiau principal de la celle. A Étricor heureusement une carrière put être exploitée non loin du ruisseau de Malonde à 300 m en amont. Sa pierre, le grison, n'était pas belle, difficile à tailler, mais solide et non gélive. On commençait par tracer au sol l'orientation de la chapelle qui donnait l'orientation générale de l'ensemble. Or cette orientation était donnée par le vocable donné à la chapelle ; à Étricor c'était Saint Pardoux. Il fallait déterminé l'axe de la chapelle par l'endroit où le soleil se levait le 6 octobre, date anniversaire de la mort du saint. Donc le 6 octobre 1149 on mit deux piquets, l'un à l'emplacement de l'axe du triplet central et l'autre au milieu du futur pignon Ouest. A noter également que le soleil se lève par la fenêtre du triplet gauche le 24 juin à la St Jean, et dans l'axe du triplet droit, le jour de la St Étienne (26 décembre). Quant cette orientation était déterminée, à l'aide de la corde à 12 nuds on traçait au sol le plan de la chapelle, qui chez les Grandmontains était immuable. À Étricor d'après les calculs, la coudée était de 0,45 m, donnant comme longueur de la corde 12 espaces de 0,45 = 5,40. Ce système de la corde à 12 nuds permettait de tracer sur le sol sans risque de se tromper un triangle rectangle (3 nuds sur 4 et les cinq nuds restants donnant la base) . Une fois le plan tracé on passait à l'édification du monument. Combien de temps ce travail durait-il, nous n'avons que peu d'indication sur le sujet, sans doute quelques années.Une plaquette plus détaillée sera éditée sous le patronnage des "Amis d'Étricor". Vous en serez informé dès sa parution sans doute pour la prochaine Saint Pardoux.Deux livres sur le sujet se trouvent le premier aux éditions Gaud voir son site : http://www.editionsgaud.com/cles.htm#chantieret le second très complet sur ce sujet : Bâtisseurs au Moyen-âge, une abbaye romane : Boscodon, en vente chez les soeurs dominicaines :http://perso.wanadoo.fr/abbaye.boscodonCe livre est surtout axé sur l'édification des grandes abbayes et cathédrales, mais donne une bonne approche du sujet. |
Un chantier cistercien - au premier plan en bas à gauche, le "maître d'uvre" portant sa canne (mesure) et son équerre, au centre les gâcheurs de mortier, à droite un tailleur de pierre. |