Beaumont (Eure)

Localisation:
en venant de Beaumont-le-Roger par la D 605, tourner à gauche à la hauteur du hameau "le Milan". Parcourir une centaine de mètres, tourner à droite et ensuite à gauche : Grammont est fléché. Faire environ 1 km,jusqu'à rencontrer sur la gauche le portail du XVIIIème siècle d'un rendez-vous de chasse, construit en briques. La celle de Beaumont se trouvait dans le bois à droite du pavillon.

Intérêt: église (Nord): 0; aile Ouest: 2 (cave à vin).


Vestiges:
il reste une cave voûtée en berceau plein cintre, renforcé par deux arcs doubleaux. Sur le mur en face de l'escalier se trouve le départ d'une fenêtre coupée au départ de l'arc; cette fenêtre est bouchée. Il reste en outre, le pignon Ouest de l'église sur une hauteur d'environ un mètre. Une fort belle entrée du XVIIème siècle subsiste ainsi qu'un pigeonnier, mais leur état est critique.

Cave

portail d'entrée (XVIIIème)

Histoire:
la celle de Beaumont a été fondée en 1178 par Robert II de Meulan. Cette fondation fut confirmée par une charte du Roi Richard 1er Coeur de Lion donnée à Tours le 13 novembre 1189. Robert II fit en outre, une donation de cinq muids de froment et cinq d'avoine, payables le jour de la Saint-Rémy à son grenier de Beaumont-le-Roger , plus 28 livres de rente en monnaie ayant cours à Beaumont à prendre sur ses revenus de Pont-Audemer, la permission de pêcher deux fois la semaine dans les eaux et étangs de Beaumont, ses droits sur la Risle depuis les écluses du moulin de Châtel-la-Lune, jusqu'aux terres de Gilbert du Mesnil, le moulin de Châtel-la-Lune, et enfin un homme franc à Beaumont, un à Pont-Audemer, et un autre à Châtel-la-Lune .
La celle de Beaumont était rattachée à la Province de Normandie. En 1295, elle comptait sept religieux. Jean XXII l'érigea en prieuré en 1317, en lui annexant Grandmont-Bellière, ce qui porta à quatorze le nombre de ses religieux. Son premier prieur fut Guillaume de la Marche . Le monastère était alors assez riche, et Beaumont fut l'un des prieurés ou la communauté se maintint durant tout le Moyen-âge. Nous connaissons le nom de quelques prieurs par les actes passés par eux, Frère Rémond, célérier ou correcteur en 1190, Jacques d'Aché prieur en 1546, Pierre d'Aché , prieur en 1615. Ce dernier obtint la permission de couper des chênes et baliveaux des bois du prieuré jusqu'à la somme de 800 l. pour acquérir une rente de 60 l. au denier 10, envers le receveur des deniers.
Le prieuré de Beaumont fut donné au Père Charles Frémon pour y introduire sa réforme en juin 1642, mais celle-ci échoua. En 1670, le prieuré était habité par 5 ou 6 moines, et valait 4.300 l. de revenu. Des déclarations de revenus, sont souscrits par les prieurs François Frémont en 1684, et Gérard Pinchon en 1694 .
En 1717 François-Louis Alleaume se disant prêtre, prieur titulaire du prieuré conventuel de Grandmont-lès-Beaumont-le-Roger, se dit "détenir un fief relevant du Roy à cause de sa vicomté de Beaumont, contenant maison et édiffice, droit de colombier en un circuit, tènement ou enclos, dans lequel est l'église et monastère dudit prieuré; en laquelle église est journellement célébré le divin service et heures canonialles, tant de nuit que de jour, suivant les fondations faites par les feus Ducs de Normandie et comtes de Beaumont et Meullen, le tout en pure et franche aumône; auquel prieuré j'ay droit de haute, moyenne et basse justice pour moy, mes hommes et vassaux, laquelle s'exerce par le bailly vicomtal dudit lieu, un procureur fiscal, un verdier, un greffier et un sergent que nous avons droit de fournir, les apellations des sentences duquel bailly ressortissent sans moyen et directement au parlement de Rouen; avec rentes seigneuriales, reliefs, treizièmes et autres aydes coutumières, le cas offrant, et consiste le domaine non fieffé dudit prieuré de Grandmont en bois taillis, pasturages, bihoris, terres labourables, masures, plants et prairies en un seul tenant d'environ deux cents acres de terre, de petitte valleur l'acre, avec un petit bras de cours d'eaue, sur lequel cours est assis un moulin à eau faisant le bled farine, avec sujetion de baon, droits de pesche tout le long dudit fief, et suivant le quel cours d'eau estoient autrefois compris une pescherie, un moulin à usage de fouler draps et un moulin à émoudre coignées et autres ferrures..." . François-Louis Alleaume devait décéder en mai 1749. Sur le registre des inhumations du prieuré fut transcrit la mention suivante :
" L'an 1749, le 17ème jour de May, le corps de François-Louis Alleaume, prieur de ce prieuré, a été inhumé dans la cave de la chapelle du collège de Grandmont, à Paris"
La conventualité s'est maintenue jusqu'en 1768, date ou il ne restait que quatre religieux (Dom de Ligondès, prieur; Dom Chabanne, Dom Bernard, Dom Tenières) qui paraissaient disposés à adhérer à une nouvelle réforme. Mais leurs bonnes résolutions n'eurent pas de lendemain. Le 27 avril 1772, ils consentaient à l'union des biens de leur maison au petit séminaire d'Evreux: " pour la gloire de Dieu, et l'éducation des ministres de l'Eglise". Ils supplièrent l'Archevêque de Toulouse, Mgr Lomenie de Brienne: " d'appuyer de sa précieuse et bienveillante protection", et qu'ils mettraient: " la plus aveugle et la plus respectueuse confiance en sa grandeur, et qu'ils ratifieraient tout ce qu'il voudra faire à cet égard".
L'acte d'union fut renouvelé le 17 novembre 1779, et prononcé en 1784
Il a été retrouvé un procès-verbal de visite de Beaumont du 11 mai 1784, établi à la requête de Mathieu-René DELANGLE, chanoine et grand archidiacre d'Evreux, prieur titulaire du prieuré; ce chanoine avait succédé à Dom Silvain de LIGONDES, dernier prieur grandmontain décédé le 18 avril 1783 . Ce procès-verbal fut dressé par Maurice Voisin, architecte à Evreux "le mardi onzième jour de May de l'an de grâce mil sept cent quatre-vingt quatre ", dans lequel il nous donne la description des lieux :
"Article premier: Principal corps de logis, combles et greniers:
"Le principal corps de logis dudit prieuré dans lequel nous avons trouvé contenir 112 pieds de long sur 25 pieds de largeur hors oeuvre, et de 24 pieds de hauteur sous l'égout, construit en pierre de caillou, chaîne encoignures, jambages des fermetures de portes, croisées, entablements plaintes et bossages en pierre de taille,formant au milieu un avant-corps de douze pieds huit pouces sur 7 à 8 pouces de saillie, orné de pilastres d'architecture; le tout couronné d'un fronton; avec deux pavillons à chaque bout, de chacun 32 pieds de face, percés chacun de trois croisées à inégale distance, le tout couronné dans les deux pavillons, d'un comble en charpente à deux eaux, couvert en tuile. Sur les deux pavillons, deux combles à deux épis, qui sont de six pieds ou environ plus haut que le comble du susdit corps de logis... le dit corps de logis est distribué au rez de chaussée au bout vers le levant d'un grand bûcher, ensuite un grand escalier montant du rez de chaussée au premier étage et au grenier, en dégageant le cloître ; ensuite une salle à manger éclairée de deux croisées sur la cour, vers le midi, ensuite le vestibule communiquant de la dite cour au cloître; ensuite deux petites pièces, la première servant de commun, et la seconde d'office"
"Elles sont séparées par un passage allant de la cuisine par une grille de menuiserie; ensuite une cuisine voûtée dans le pavillon au bout vers le couchant, et sur l'encoignure une laverie aussi voûtée, ainsi que le passage dégageant ladite laverie et précédent l'entrée de la cuisine."
"Au premier étage du côté du Nord un corridor dégageant plusieurs chambres, ainsi que les deux escaliers..."
L'article 2 nous donne la description des greniers des deux pavillons.
L'article 3 décrit les combles du deuxième pavillon à l'Ouest.
L'article 4 concerne l'escalier pour l'accès du cloître au premier étage. Tout le bâtiment semble en bon état, et aucune réparation d'urgence ne semble nécessaire.
L'article 5 concerne le cabinet d'aisance, de peu d'intérêt:
"Avons visité le Cabinet d'aisance, situé au premier étage, dans l'angle du pavillon, au bout vers le levant, où nous avons remarqué qu'à la croisée éclairant ledit cabinet vers le midi, il convient de remplacer 14 carreaux de verre et en nettoyer dix autres... à la porte dudit cabinet donnant sur le corridor, mettre en état la serrure et fournir une clef".
L'article 6 concerne le corridor "régnant tout le long dudit corps de logis du cité du Nord, et dégageant toutes les chambres du premier étage".
Cette partie du prieuré est manifestement en moins bon état, l'architecte estime les réparations à faire pour la somme de 377 livres.
Les articles 7, 8, 9 et 10 concernent quatre chambres "donnant du côté de la cour, vers le midi". La quatrième chambre est en mauvais état et l'estimation des travaux s'élève à 761 livres. Par contre, les trois autres sont en assez bon état et les réparations ne demandent que 16 livres pour la première, 4 livres pour la deuxième et 56 livres pour la troisième.
L'article 11 nous fait visiter les deux cabinets ou garde-robe , à la suite de la quatrième chambre, vers l'Ouest dans le pavillon Ouest, à l'extrémité du bâtiment Sud.
L'article 12 envisage les réparations à effectuer sur la croisée éclairant à l'Ouest l'extrémité du corridor.
L'article 13 nous décrit le bûcher qui se trouve au rez de chaussée à l'Est du bâtiment Sud.
L'article 14 fait la description de la salle à manger:
"Sommes ensuite passé dans la salle à manger ensuite du dit bûcher et de l'escalier montant du cloître au 1er étage, laquelle nous avons trouvé en assez bon état, sauf qu'il convient de repeindre en entier..."
L'article 15 décrit le vestibule:
"Sommes ensuite passé dans le vestibule, ensuite de ladite salle à manger, étant sur l'avant corps formant le milieu dudit principal corps de logis, communiquant de la principale cour vers le midi au cloître vers le Nord."
"Nous avons reconnu qu'il convient de faire..."
L'article 16 décrit l'office:
"Dans l'office ou garde-manger, ensuite dudit vestibule, proche de la cuisine, dont va âtre mentionné ci-après, faire le pourtour intérieur des murs..."
L'article 17 décrit le second office:
"Dans le second office, entre le précédent et la cuisine, la grille en bois séparant la buffetrie d'avec le passage allant à la cuisine, remplacer plusieurs balustres...".
L'article 18 mentionne la cuisine:
"La cuisine à la suite desdits garde-manger ou offices, avons reconnu qu'il convient de remplacer la croisée éclairant ladite cuisine sur la cour du côté du Midi..."
L'article 19 décrit la laverie:
"Sommes ensuite passé dans la laverie pratiquée dans l'angle dudit principal corps de logis, entre le midi et le couchant, où nous avons reconnu qu'il convient..."
L'article 20 concerne la porte du vestibule au bas du principal escalier. Cette porte se trouve à l'Ouest sur la cour (extérieur).
L'article 21 parle du principal escalier:
"Avons ensuite visité le principal escalier dégageant tant les chambres et corridors du 1er étage, que les greniers du principal corps de logis; ainsi que les chambres et corridors de 1er étage de l'aile de retour(Ouest), d'équerre dudit principal corps de logis allant au Nord, lequel nous avons trouvé en bon état".
L'article 22 décrit l'aile en retour d'équerre vers le Nord (Bâtiments des hôtes):
"Ce bâtiment que nous avons trouvé contenir soixante pieds ou environ de longueur, sur 24 pieds 8 pouces de largeur hors oeuvre, et de 21 pieds de hauteur ou environ sous l'égout, construit en maçonnerie de caillou, chaînes, encoignures, jambages et fermetures des portes et croisées, en Pierre de taille, le tout maçonné avec mortier de chaux et sable, couronné d'un comble de charpente à deux eaux, couvert en tuile, adhérant par son bout au midi, au susdit principal corps de logis, et formant un pignon de pareille maçonnerie par son autre bout vers le Nord".
"Distribué par son bout au midi en la cage du principal escalier, avec le vestibule communiquant du cloître à la basse-cour vers le couchant. Ensuite une cave ou cellier pour le cidre et au bout vers le Nord une caveau vin, le tout trouvé en assez bon état. Sur les dits celliers ou caves, au 1er étage, deux chambres à feu, et au bout de la dite aile, vers le Nord, une salle de billard, avec un grand grenier régnant sur le tout".
Les articles 23, 24, et 25 nous donnent la description des chambres au premier étage du bâtiment Ouest (Bâtiment des hôtes). La première et la deuxième chambre possèdent chacune une cheminée.
L'article 26 concerne plus particulièrement la salle de billard dont une croisée donne sur le cloître et une autre vers l'Ouest.
L'article 27 décrit l'église:
"Avons visité l'église, érigée anciennement sous l'invocation de la Ste Vierge et de St Etienne; laquelle nous avons trouvé contenir 94 pieds de long y compris le Rond-point (abside) vers le levant, sur 29 pieds de largeur, le tout hors oeuvre, et de 22 pieds de hauteur sous l égout, construite en maçonnerie de cailloux, enduite par dedans en mortier de chaux et sable, formant un pignon au bout du couchant, et un rond-point à l'autre bout au levant. Trois vitraux éclairent le rond-point au levant, et un autre le pignon au couchant. Le tout est couronné d'un comble en charpente, formant par le bas un corps carré de huit pieds de diamètre, et couronné d'une fléché à 8 pans, d'environ 30 pieds de haut, et couvert d'ardoises."
"La dite église distribuée en une nef de 54 pieds de longueur séparée par une grille en bois, ornée d'architecture, le rond-point sur le sanctuaire, voûtée en croix à cordons d'ogives, de Pierre de taille, et le surplus dudit choeur, ainsi que la nef, voûtée en plein cintre, en carreaux et pendants de pierre tendre. Laquelle église, nous avons trouvé en assez bon état, mais dont nous ferons plus ample mention, cette église étant destinée à être démolie et supprimée, vu la suppression de la manse conventuelle dudit prieuré, ce que nous reportons pour mémoire".
L'article 28 décrit ainsi le cloître:
"Avons visité le cloître en quatre cens, au levant, au midi le long du principal corps de logis, au couchant le long de l'aile en retour où sont les caves et celliers, et au Nord le long de l'église; lequel nous avons trouvé contenir 184 pieds de pourtour ou environ, sur 7 pieds 9 pouces de largeur, le tout hors oeuvre, et de 18 pieds de hauteur sous l'égoût; construit en charpente, posée sur 25 colonnes de pierre, assises sur un socle de maçonnerie d'environ deux pieds de hauteur, recouvert de bahuts de pierre tendre, le tout couronné d'un comble de charpente à un égout, couvert en essente , lequel nous avons trouvé en assez bon état... Nous ne ferons pas plus ample mention, ledit cloître être pareillement supprimé et démoli ainsi que la susdite église..."
Article 29 - " Corps de logis en retour d'équerre du principal corps de logis servant cy devant à usage de dortoir des religieux" (Bâtiment Est).
"Avons visité le corps de logis régnant depuis la dite église jusqu'au susdit principal corps de logis faisant face au jardin potager vers le levant."
"Lequel avons trouvé contenir 59 pieds de longueur,sur 28 pieds de largeur hors oeuvre, et de 21 pieds et demi de hauteur, sous l'égoût dans sa face sur le jardin, construit en maçonnerie de moellon grès et caillou, maçonné avec mortier de chaux et sable, parmenté en grès du côté du jardin, distribué au rez de chaussée en une sacristie au bout joignant l'église (le passage du cimetière). Ensuite un appartement composé d'une chambre à feu (salle capitulaire?) une alcôve et deux cabinets ou garde-robes;occupés cy devant par Monsieur de Ligondès, dernier titulaire dudit prieuré de Grammont; la dite chambre à feu est éclairée d'une grande croisée sur le jardin vers le levant; ensuite un passage allant du cloître au jardin et dans le surplus une partie du susdit bûcher. Au premier étage une tribune ou cour de nuit, ayant vue sur le sanctuaire, ensuite un cabinet, ensuite un corridor éclairé de trois croisées sur le cloître, et ensuite deux chambres ou cellules; le tout couronné d'un comble en charpente à deux eaux, couvert de tuile, et nous ne ferons pas non plus plus ample mention de ladite aile de bâtiment devant être supprimé et démoli, de même que ladite église et le susdit cloître...".
L'architecte poursuit son inventaire sur des bâtiments plus récents et plus utilitaires (fournil, poulailler, pressoir, écurie, grange, etc...).
A signaler enfin que l'un des derniers religieux grandmontains, Dom Chabanne, continua à exercer son ministère dans la région. Sous la Terreur, il célébra secrètement la messe à Vieilles, rue de l'Arbre d'Amour... .

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