Aubepierre (Hte-Vienne)
Localisation
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"bénitier" se trouvant dans le jardin d'une propriété de Villeneuve. ci-dessous : remplois mur église de Biennac Portail de l'église de Biennac. |
Histoire :
Son existence est certaine. Elle est attestée par plusieurs titres depuis
l’an 1274 jusqu’en 1337 . D’après l’abbé
Duléry sa fondation remonterait à 1274 par Aymeric IX, vicomte
de Rochechouart. D’après Nadaud sa fondation aurait été
faite avant 1259, par le même Aymeric IX; cela est improbable, mais en
1274 comme nous allons le voir.
Aymeric IX était né en 1233. Après avoir mené une
vie tumultueuse dans sa jeunesse; il avait attaqué et pillé le
couvent de la Chapelle-Blanche, sur la paroisse de St Victurnien. Excommunié
par l’évêque de Limoges, Aymeric de la Serre, il dut pour
se faire pardonner, par pénitence, assister à la procession du
dimanche avant la quinzaine de Pentecôte, accompagné de tous ceux
qui l’avaient assisté dans ses violences et saisies, savoir : lui
et ses soldats, nu-pieds, sans coiffe ou ceinture, ou chapeau, avec de simples
tuniques; tous les autres de sa suite en chemise, sans chaussures, nu-pieds,
sans chapeau, tenant en main des verges dont ils se frappaient .
Aymeric IX s’était marié en 1251 avec Jeanne de Tonnay-Vivonne,
fille unique et héritière de Geoffroy, Seigneur de Tonnay-Charente.
En 1263 Jeanne devait mourir en couche lors de la venue au monde de son quatrième
enfant, Foucaud. Aymeric IX se remaria l’année d’après
avec Mathilde de Vivonne, mais celle-ci devait mourir quelques mois après,
le 11 Mars 1264. Très affecté, Aymeric IX se tourna vers la religion.
C'est donc après 1270 qu'il fit bâtir dans la forêt de Rochechouart,
dans un lieu de pèlerinage à la Vierge: le chêne de la Lune,
une abbaye pour femmes : Albis Petris, qui devait prendre la règle grandmontaine.
De cette origine l'abbé Guillaume-Pierre Duléry rapporte cette
légende :
“Cette forêt est vaste; il y avait alors de grands arbres, des hêtres
touffus, de vieux chênes. Dans ces religieuses et silencieuses solitudes,
dans ces profondeurs ombragées, on éprouvait une frayeur qui glaçait
l'âme, quelque chose de mystérieux qui troublait le cœur et
l'esprit. La figure de la Sainte-Vierge, grossièrement sculptée
sur l'écorce d'un de ces vieux hêtres, protégeait la forêt
et l'avait préservée jusqu'à ce jour de toute maligne influence,
de toute atteinte du mauvais esprit, qui d'ordinaire recherche et goûte
les lieux de ce genre.
“Le voyageur y passait en sûreté s'il saluait la Vierge ou
s'il faisait une aumône. Le pauvre travaillait sans crainte, et les mères
laissaient leurs jeunes enfants s'aventurer sur les bords, sans redouter pour
eux le loup-garou, vieil habitant de ces antiques provinces, objet général
de terreur et d'effroi, éternel récit du soir dans les chaumières.
Le loup-garou était alors pour tout le monde un ministre de l'enfer,
un envoyé de Satan ici-bas; c'était peut-être Satan lui-même!
Satan, qui prend toutes les formes, Satan, qui ne redoute rien au monde, sinon
le signe sacré de la Rédemption et l'image de la Vierge Marie.
Aussi, dès que la lune venait à projeter une ombre douteuse au
travers des arbres qui n'étaient point sous la protection de la Vierge,
dès qu'un tronc vermoulu affectait, sous les indécises clartés
de la nuit, des formes incertaines et bizarres, au moindre bruit, au plus léger
événement, personne ne doutait que ce ne fût le loup-garou
accourant de l'enfer, et monté, ainsi que le disait une vieille chronique,
sur un cheval enflammé.
“Du côté de la Vierge, au contraire, aucune des puissances
de l'enfer n'était redoutable. La Vierge des halliers, des buissons et
des champs n'imposait que de pieuses pensées et ne permettait que des
actions sages. Tant qu'elle demeurerait sur le haut de son arbre protecteur,
on resterait bon et tranquille, le paysan pourrait passer d'un pied ferme, la
jeune fille rester sans crainte.
“Les hauts et puissants seigneurs de Rochechouart conduisaient souvent
leurs meutes dans cette partie de la forêt, et leurs chasses, qu'ils ne
manquaient jamais de mettre sous la protection de la Vierge, avaient été
jusqu'à ce jour, grâce à l'influence de la madone, exemptes
de toute aventure fâcheuse.
Dans un acte informe, il est dit que Simon de Rochechouart, archevêque
de Bordeaux, frère d'Aymeric IX, sacra l’autel Albis Petris , ordre
de Grandmont, le samedi après la Purification 1277, en l’honneur
de la Sainte Trinité, de la Vierge Marie, et les saints apôtres
Pierre, André, Thomas martyrs, St Nicolas confesseur, sainte Catherine
vierge .
C’est un des rares exemples de monastère grandmontain de femmes
vivant sub regula grandimontensis. Ce monastère ne semblait pas dépendre
de Grandmont , car il est inconnu des annalistes de l’Ordre: Pardoux de
la Garde, P. Levesque. Il n’apparaît pas non plus au relevé
des maisons de l’Ordre de la bulle de Lucius III, ni au dénombrement
de 1295, ni à la bulle de 1317.
Ce prieuré reçu des dons de Pierre Brachet, clerc à Rochechouart,
qui donna en 1272, à la prieure et aux moniales une vigne appelée
Eychandeneys , se trouvant dans le vignoble de Rochechouart, entre la vigne
de l’Aumônerie, et celle du Prieur du monastère.
Tous ces éléments donnent à penser que la construction
de ce prieuré dut prendre plusieurs années, commencé vraisemblablement
en 1272 ou même avant (donation de Pierre Brachet) à 1277 (sacre
de l’autel par Simon de Rochechouart).
Son existence fut brève, ce monastère très isolé
fut semble-t-il victime de brigandage au début du XIVème siècle,
ou de quelque seigneur barbare, comme le suggère l’abbé
Duléry . Une autre possibilité serait sa destruction par les Anglais
en 1369 par vengeance, lors du siège de Rochechouart; siège qui
fut un échec pour Jean Chandos .
“Et entrèrent Messire Jean Chandos, sénéchal du Poitou
pour le roi d’Angleterre et ses gens, en la terre du vicomte de Rochechouart
et l’ardirent et gâtèrent mâlement et n’y laissèrent
rien, et furent devant la ville de Rochechouart et l’assaillirent de grand
façon mais rien n’y conquirent car il y avait dedans bonnes gens
d’armes desquels Thibaud du Pont et Alliot de Calais étaient capitaines,
si la gardèrent de blâme et de prendre et passèrent outre
lesdits Anglais et furent à Chauvigny. ”
La vie de ces moniales était des plus rudes, dans un lieu hostile. Soumises
à un climat froid et surtout humide, menacées par les bandes organisées
de routiers, toutes ces contraintes firent que leur expérience monastique
fut de courte durée. D’ailleurs l’insécurité
allant grandissante, surtout après les guerres de religion, l’Église
pour pallier à ces exactions, préconisera que désormais
les monastères de moniales soient construits en ville .
Au XIXème siècle, il ne restait plus que quelques ruines de ce
monastère. L’abbé Guillaume-Pierre Duléry, curé
de Biennat, nous raconte son pèlerinage sur les lieux en 1855 :
“Guidé par cet instinct secret qui attire l’homme vers les
ruines, nous sommes allés visiter, en compagnie de M. l’abbé
Ribière (le curé de Rochechouart), les restes de l’abbaye
de Petris-Albis. Nous vîmes des prolongements de murailles, de pierres
entassées, le tout couvert d’arbres, de mousse, de bruyères,
de ronces et d’épines. Oh! comme les ruines s’harmonisent
avec le désert! comme notre coeur fut ému en parcourant ce triste
séjour! Autrefois les cantiques au Seigneur y retentissaient de toutes
parts; aujourd’hui tout y est calme et tristesse“.
Nous bûmes, M l’Archiprêtre de Rochechouart et moi, à
la fontaine de l’Abbaye. Nous nous agenouillâmes sur quelques pierres,
peut-être les tombeaux de ces saintes filles..”
Vers 1960, le docteur A. Grézillier écrivait : "Il y a quelques
années on voyait encore sur son emplacement un monceau de ruines d'où
émergeaient des pierres tombales, au bord d'un mince ruisseau coulant
d'une source dite Fontaine de l'Abbaye" .
A noter qu’un autre monastère aux confins septentrionaux de la
Marche limousine s’appelait également Aubepierre. Son nom avait
la même origine que la celle étudiée, albis petris, pierre
blanche, provenant du quartz blanc qui parsème son sol. Ce monastère
avait été fondé en 1149 par saint Bernard et l'abbaye de
Clairvaux. Elle dépendait de l’abbaye cistercienne de Pontigny
(Yonne). Ce monastère a été brûlé en 1569
pendant les guerres de religion. Il fut restauré partiellement au XVIIème
siècle. Il abritait deux religieux en 1790 .