Trains (celle n° 108)

Cette celle se trouve sur la commune de Villecerf (Seine et Marne).

Vestiges :
De l’église, il subsiste les murs de la nef avec la porte des fidèles et la porte des moines. Du bâtiment Est, le passage et la salle capitulaire et deux autres salles, ainsi que les dortoirs remaniés . Le côté Sud a été détruit entièrement, et le côté Ouest partiellement.

L’église.
Louis Michelin écrit que “ l’église a dut être sécularisée au début du XIVème s ” ; ce qui semble difficilement pensable, car nous le verrons plus loin, un acte notarié du 30 avril 1650 stipule qu’un service religieux doit y être célébré en compensation d’une redevance.

Il semble que l’église fut victime de la négligence des fermiers à qui incombaient la charge de l’entretien. Elle fut par la suite, transformée en habitation, sans doute à la fin du XVIIIème s ou plutôt début du XIXème, car l’abside figure encore sur le plan d’intendance de 1782. La nef mesure 24 m de long et 5m,60 de large.
Quant à l’abside, Mr Albert Bray Inspecteur des Monuments Historiques, écrivait en 1958 :
“Son abside demi-circulaire dont les fondations sont visibles comportait vraisemblablement trois lancettes”.
“Comme le montrent les départs qui en subsistent, ses quatre travées carrées étaient couvertes de voûtes d’arête en tiers-point et sans doubleaux, dont les retombées se faisaient sur de simples tablettes chanfrenées encore en place”.
La porte des fidèles, en tiers-point, est décorée d’un gros boudin; elle est étroite, 1m.10.

Le bâtiment Est.
Ce bâtiment est bien conservé, sa salle capitulaire possède une façade à cinq baies à colonnettes hautes. Ces colonnettes engagées sont plaquées sur les piedroits de la porte et des baies. A noter que la salle capitulaire est voûtée en berceau plein-cintre, la voûte primitive ayant dûe s’effondrer. Ce genre de voûtement est le seul connu dans l’Ordre, et indique donc une réfection postérieure à l’occupation des locaux par les religieux. A l’intérieur de la salle on peut voir que le montant nord de la baie est d’origine, tandis que le montant sud a subi une réfection, sans doute lors du nouveau voûtement de la salle. A noter que le passage n’est plus voûté, mais plafonné. Du coté Est, la salle est éclairée par deux fenêtres épaulé par des contreforts.
Le passage a perdu son voûtement, mais la salle au-dessus, l’oratoire de nuit a gardé le sien. Louis Michelin qui avait visité Trains avant 1828 écrit que ce bâtiment Est, “ renferme un escalier où l’on voit des “restes d’antiquité”, des colonnes de pierre soutiennent son entrée” . Cet escalier selon toute vraisemblance se trouvait dans ce passage, et dut être démoli peu de temps après; ce que semble penser Mr Albert Bray qui écrit :
“Elle est séparée de la chapelle (la salle capitulaire) par un étroit local montant du fond et dont une voûte en berceau couvre le premier étage, ce qui indique qu’on est sans doute là en présence de la cage d’escalier du dortoir, qui n’aurait pu trouver place dans le choeur trop étroit de la chapelle”.
“Deux autres salles également voûtées en berceau font suite à la salle capitulaire, elles conservent quelques étroites fenêtres du côté extérieur épaulé de contreforts”
“ Tout le premier étage était occupé par le dortoir dont les étroites fenêtres actuellement murées sont encore visibles de l’extérieur, mais dont la charpente primitive sans doute lambrissée en berceau a disparu”.
Sur la façade Est de ce bâtiment, on peut apercevoir une douzaine de lancettes des dortoirs, certaines dans leur état primitif, d’autres transformées en ouvertures modernes, ou bouchées, mais les emplacements sont visibles sous le crépi.
L’impression d’ensemble est, que nous avons affaire à un bâtiment sécularisé depuis fort longtemps, sans doute fin XVIIème s., ce qui est d’ailleurs confirmé par son histoire. Une particularité de Trains est de posséder un porche d’entrée(3m de large), entre le pignon Ouest de l’église et la façade ouest de l’aile occidentale, particularité partagée avec Fontguédon.
Les bâtiments Sud et Ouest
Le bâtiment Sud a été détruit au XIXe s., car il existait encore en 1782, époque ou fut dressé le plan d’intendance de Villecerf .
Par contre le bâtiment Ouest a été très remanié.
Mr Albert Bray écrit :
“ Il était constitué par une vaste grange accompagnée de locaux sans doute à usage de cellier ou d’étable, au-dessous de greniers dont les combles ont été refaits au XIXe s.. Il a conservé une porte en tiers-point donnant sur le cloître et du côté extérieur la porte charretière de la grange, et une porte plus petite s’ouvrant sur les locaux à la suite, ainsi que d’étroites fenêtres en tiers-point.
Sous l’angle Sud-Est du préau du cloître, une cave aux murs et aux voûtes de pierre de taille paraît avoir constitué, à l’origine, une citerne particulièrement utile pour l’alimentation en eau du monastère; une autre cave actuellement inaccessible se trouve sous le bâtiment détruit du réfectoire”.
Le cloître.
“Ce cloître non voûté était couvert par des combles en appentis, leurs sablières basses portées sur des arcatures ou de simples piliers, leurs sablières hautes sur des corbeaux dont la plupart sont encore en place sur les façades des bâtiments auxquels s’adossaient ses galeries”

Pour tous renseignements complémentaire se repporter aux Cahiers Grandmontains n° 11.

Histoire:
Elle fut fondée en 1163 au plus tard, certainement quelques années avant, sous le généralat d’Etienne de Liciac . On sait peu de choses sur les origines de cette celle. En 1295, elle comptait six religieux. Leurs noms nous sont connus, grâce à un acte passé le 12 juin 1277, par le frère Valentin, correcteur de la maison de Trains.
Cet acte régularisait un bail passé en 1275, par un frère du prieuré, Adam de Blennes avec le curé de St Eloi de Ferrières, moyennant la somme de 40 sols, et un droit de cens de 12 deniers par an payables à la maison de Trains .
Cet Adam de Blennes s’était donné à cette maison, lui et ses biens. Il était assisté pour ce bail, de Frère Valentin correcteur, de frère Jean de Pontoise curiosus, de frère Jean de Compiègne et des autres religieux du prieuré.
Mais en 1317, vu la diminution des effectifs, Trains fut uni au prieuré de l’Enfourchure (Yonne). Trains cessa d’abriter une communauté religieuse, et devint un simple domaine rural, que l’on rencontre dans les actes de l’époque sous la dénomination “d’ostel de Trains”. Un religieux resta pour veiller à l’exploitation du bien et à l’entretien des bâtiments. Dans un acte du 15 février 1385, il est nommé dans un acte rendu devant la Prévôté de Moret, frère Etienne de Moulans, Gouverneur de “l’ostel de Trains ” .
Les termes de cet acte sont les suivants :
“A tous ceulx qui ces présentes lettres verront Jehan de Vullaines,prevost de Moret, et Guillaume Pichart, garde du scel de ladite prevosté, salut. Sachent tuit que pardevant Robert Huguet, clerc tabellion juré du scel et escripture de ladite prevosté, auquel nous adjoutons pleine foy quant ad ce, vins en sa propre personne Estienne de Moulans, religieus de l’ordre de l’église de Grandmont, maistre et gouverneur de l’ostel de Trains,les Moret, membre de ladite église, et recognut de sa bonne volonté, senz force, lui tenir en temporalité, à cause dudit hostel de Trains, de et soubz le Roy notre Sire, les héritages, rentes, possessions et revenues qui s’ensuivent : c’est assaveoir, premièrement, environ quatre vins arpents de boys en jeune revenuée et peult bien valoir chacun arpent pour chacun an, six deniers tournois, et autant de terres qui sont en vernine , environ sept quartiers de vigne qui faites sont de leurs façons raisonnables, et ce et encloz entour ledit hostel.”“Item demi arpent de vigne en façon séant à Sorques (hameau de Montigny sur Loing).
Item soloit prendre tous les ans sur les molins de Grès et de Nemox appartenant au Roy nostredit seigneur traize muis de blé...
Item, à Peleis, cinq muis de blé..
Item soloit prendre à Verno ung muy de grain...
Item au molin de Legrain seant entre Villecer et Dormelles deux sextiers de mouture.
Item au molin d’Espaillart seant deux sextiers de mousture.
Item la disme de Truisy de onze sextiers de grain...”
Le document énumère successivement huit dîmes de grains de deux à cinq setiers, deux dîmes de un setier de sel, trois rentes de quatre et huit sols, et cinq arpents de pré. Mais une rente attire l’attention :
“Item soloit avoir en Couture(sur la commune d’Ecuelles)six sols parisis chacun an dont il ne puet estre paier par la fortune de guerres. Et avecques ce soloit ledit maistre et ses prédécesseurs avoir plusieurs autres rentes qui sont perdues par la fortune de guerre”.
Ce document se termine de la manière suivante :
“Sur lesquelles rentes ledit mùaistre paie pour chacun an de rente à son abbé dix livres tournois, et sur le résidu d’icelles rentes et revenues ledit maistre prant son gouvernement, le gouvernement de ses valées et de sa chamberière et les réparations dudit hostel.
Et ce plus y avoit qui dessus n’est dit, plus advouoit à tenir de et soubz le roy notredit seigneur. En tesmoing de ce, nous, à la relation dudit juré, avons scellé ces présentes lettres du scel de la prevosté de Moret, le mercredi XVème jour de février l’an de grâce mil trois cent quatre vins et quatre. Signé ; C. Huguet.”.
L’énumération des différents revenus du prieuré semble assurer un train de vie confortable au ”maistre de l’hostel”, qui logiquement était à cette époque un religieux grandmontain, la commende n’ayant été instituée qu’une centaine d’années après.
Les bâtiments du prieuré étaient édifiés au milieu d’un vaste enclos bordé de murs d’une superficie de 180 arpents. L’enclos était planté moitié de bois, moitié de culture, plus sept quartiers de vignes.
Le premier prieur concordataire dont le nom nous soit parvenu fut Elie Converti; il avait passé un bail à cens en 1598, avec la complicité de Frère Bernard, prieur de l’Enfourchure. Ils avaient baillé tous deux, les bâtiments et les terres de Trains le 4 décembre 1598, au sieur Lamotte Chabouillé, moyennant huit livres de cens par an. D’après Levesque, qui écrit dans ses Annales, que le Frère Bernard fut dénoncé pour ces faits, fut cité à comparaître pour rendre des comptes, devant le Chapitre Général de Grandmont en 1597.
Il semble que le bien sortit définitivement du patrimoine de Grandmont en 1609 Le sieur Lamotte-Chabouillé revendra peu de temps après la ferme de Trains à Sébastien Petit, qui le donnera à sa fille Geneviève Petit, par contrat du 9 novembre 1656.Trains fut revendu à Guillaume Coignet, “valet de chambre du Roi et ordinaire de sa musique”. Le 22 décembre 1666, Guillaume Coignet revendra à Laurent Thiremois, curé de Villecerf “ la ferme de Trains, ce consistant en bastiments et mazures et la quantité de 160 arpents ou environ” Cette transaction était faite moyennant le paiement d’une redevance annuelle de 150 livres. 100 livres pour la demoiselle Petit, venderesse au sieur Coignet, 8 livres de droit au prieur de l’Enfourchure, et 42 livres à Guillaume Coignet .
Laurent Thiremois fit exploiter la ferme par Louis Bongrain, son domestique. Il fut inquiété par le fermier des domaines du Roi, qui voulut procéder à une saisie féodale, sous prétexte qu’elle était située sur les terres des censives du Roi, et non sur des terres de l’Enfourchure. L’affaire fut portée devant la Chambre du Trésor le 20 décembre 1669. Sur la vue du bail de 1598 passé par le prieur commendataire Elie Converti, mainlevée de la saisie fut donnée au curé de Villecerf.
Dans ce bail il est donné la qualité de Maîstre, à Elie Converti. Un texte de l’histoire du Gastinois écrit en 1630 peut éclairer sur l’intérêt que l’entourage du Roi portait à Trains :
“Autour de Moret est une haute montagne, dite la Montagne de Trains, en laquelle se rencontre plusieurs bêtes de chasse, entre autres force lièvres, lapins et biches, à ce sujet sont établis plusieurs capitaines et gardes pour la conservation desdits animaux, afin qu’il n’y soit meffait,et que sa Majesté estant à Fontaine-Bleau y puisse prendre son plaisir à la chasse”.

Puis en 1607, Jean Guérin, aumônier du Roi, lui succéda dans cette charge de prieur. Il poursuivit ses fermiers pour une redevance en grains . Il fut remplacé par Jean de Grasse. Ce Jean de Grasse fut également en même temps, prieur commendataire de Saint André de Château-Landon et abbé commendataire de Nogent sous Coucy au diocèse de Laon de 1649 à 1658, puis au Thoronet, au diocèse de Fréjus. Ce Jean de Grasse a laissé un fort mauvais souvenir de lui dans le Laonnais, car il fit détruire l’admirable portail de l’église de l’abbaye de Nogent, afin de tirer profit des pierres !
Son passage à Trains ne fut pas aussi néfaste heureusement. Il n’oublie pas d’encaisser ses redevances. On trouve une redevance en grains payée le 14 août 1647 “ au sieur de Grasse, prieur de Train”.; cette redevance sera payée l’année suivante en argent, 190 livres le 3 août 1648. Cette redevance versée avait une contrepartie, la célébration d’un service religieux, un acte notarié du 30 avril 1650,en fait foi. Hector Piat, maître de la poste de Préfontaine et receveur du revenu temporel du prieuré de St Etienne de Trains, s’oblige à fournir, à la Saint Jean, aux receveurs du domaine de Nemours “certificat du service faict et dict en ladicte chapelle de St Etienne, durant l’année commencée au jour Saint Jean-Baptiste dernier, affin que par le moyen dudict certificat, la quittance, fournye ce jourd’huy par ledict Piat ausdictz Garnier et Lefebvre, pardevant ledict notaire, de la redevance due à ladicte chapelle sur ledict domaine de Nemours, puisse passer à la Chambre des Comptes”
A la fin du XVIème s. un bail à ferme de six ans, est passé par ce Prieur commendataire, Jean de Grasse, abbé du Thoronnet, sur le tiers des dîmes .
Mais revenons à notre curé bailleur, qui de nouveau fut inquiété par François du Bec-Crespin, marquis de Vardes et Seigneur engagiste de Moret, qui entama des poursuites contre Laurent Thiremois. Il fut débouté le 26 mai 1683, et notre curé de Villecerf put jouir tranquillement de la possession de sa ferme de Trains.
Il dut vendre Trains quelques années après, à Louis-Urbain Lefèvre de Caumartin, Marquis de Saint-Ange. Ce dernier en était propriétaire en 1695, comme le prouve un bail passé en son nom le 10 juillet de cette année là, avec les sieurs Jacques Bonleu et Jacques Frot qui exploitaient le domaine moyennant le paiement d’un loyer annuel de 270 livres, et l’exécution de menues réparations.
La ferme de Trains resta la propriété de la famille de Caumartin jusqu’à la Révolution, comme le constate un aveu rendu le 28 août 1786 par Antoine-Louis-François Lefèvre de Caumartin, Marquis de St Ange, Comte de Moret, et Seigneur de Villecerf, où on peut lire l’article suivant :
“Item 190 arpents de terre, autrefois clos de murs, au milieu des quels il y a une ferme appelée la ferme de Train, autours de laquelle il y a quelques plantations, et sont lesdites terres traversées de l’orient à l’occident par l’avenue de Train à Saint-Ange”.
Les fermiers qui se succédèrent négligèrent d’entretenir ce qui ne servait pas directement à l’exploitation rurale.
En 1829, la ferme de Trains appartenait à Mr Laflêche et hébergeait 12 personnes . Elle est actuellement la propriété de la famille Frot- Chachignon, et cela depuis près d’un siècle.
Le prieuré de Trains a été inscrit à l’inventaire supplémentaire le 14 Avril 1926.

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