Mathons (Hte Marne)

Cette celle est située sur la commune de Mathons (Haute Marne) et porte toujours le nom de Bonshommes.

Il reste le mur nord de l'église, le passage et la façade Est de la salle capitulaire.

Vestiges :
Seuls, le mur Nord de l'église, le passage des morts, la façade Ouest de la salle capitulaire ont survécu à l'incendie du 12 août 1944 mis par les troupes allemandes en représailles contre les exploitants de la ferme, supposés avoir aidé les maquisards.
Cet ensemble a néanmoins survécu grâce à la curieuse conformation du voûtement en quart de cercle du passage des morts, et aux arcatures des fenêtres coté cloître de la salle capitulaire. A noter que le voûtement en quart de cercle du passage des morts est tout à fait exceptionnel dans l'architecture grandmontaine. Cette disposition semble faire office d'arc-boutant au mur Nord de l'église. La largeur de ce passage est de 2,20m.
La salle capitulaire a été voûtée comme le prouve des arrachements sur les murs intérieurs. Elle s'ouvrait coté cloître par une porte encadrée de deux baies jumelées, séparées chacune par deux courtes colonnes. Cette salle a été habitée jusqu'en août 1944.
Un escalier de bois a existé à l'intérieur, contre le passage du cimetière, pour accéder à l'étage.
Le reste de la celle de Mathons n'a malheureusement pas survécu; il ne reste que la base des murs des bâtiments Est et Sud, et le mur Sud de l'église sur environ 1 m de hauteur.


Histoire :
La celle de Mathons fut fondée en 1168 par Geoffroy III, sire de Joinville et sénéchal de Champagne.
Dès 1181, la chapelle de Mathons possédait des reliques des compagnes de Sainte Ursule, laissées sans doute par des moines de Grandmont à leur retour de Cologne.
C'est vraisemblablement à cette époque que fut institué à Mathons le pèlerinage à St Fiacre et aux compagnes de Ste Ursule. Pourtant certains historiens ne feraient remonter ce pèlerinage qu'au XVème siècle en se basant sur le fait que l'évêque de Metz, Henri de LORRAINE, obtint du pape Alexandre VI (Borgia élu en 1492 et mort en 1503), des indulgences pour ce sanctuaire qui était le siège d'un pèlerinage très fréquenté...
En 1201, Godefroy de JOINVILLE fit don aux religieux de Mathons de deux familles de serfs à Nomecourt; son frère, Simon de JOINVILLE, en donna d'autres en 1206.
En 1209, Aubry de BRACHEY, vassal de Godefroy, leur donna à Brachey, une maison, des prés, des bois et même des serfs...
En 1255, Gauthier de VIGNORY leur donna une rente sur un péage à Vignory.
En février 1269, Renier, chevalier de Curel, leur constitua une rente sur sa grange d'Ancigne.
Et ainsi de suite, de nombreux dons étant accordés aux religieux de Mathons durant tout le XIIIème siècle.
En 1295, compta cinq clercs et en 1317 elle fut unie à Macheret. Devenu maison annexe, elle eut beaucoup à souffrir des Guerres de Religion au XVIème siècle. La plupart des dons qu'elle avait reçus furent spoliés par des aventuriers qui profitaient de l'insécurité et de l'éloignement de ceux qui géraient les biens.
Nous savons qu'en 1627, un prêtre percevait 75 livres pour assurer le service divin à Mathons, mais le procès-verbal d'une visite à Mathons laisse planer un doute quant à la réalité du service:
"Tout y est en ruine; le dortoir sert de poulailler, la salle du chapitre est pleine de futaille; dans la chapelle, il y a trois autels, qui sont dédiés à Ste Ursule, St Antoine et St Eutrope. Il a quatre stalles en chêne bien sculptées; la maison n'est desservie que par un seul prêtre, qui a 75 livres de rente par an. En ce moment les ornements d'église consistent en une vieille chasuble de futaine grise, une chape en camelot rouge, une courtine en serge rouge, deux aubes, quatre nappes, un vieux missel; le trésor ne comptant qu'un vaisseau pour les hosties, émaillé et doré, en forme de colombe."
En 1644, l'église fut érigée en église paroissiale pour le village de Mathons. Puis, un autre procès-verbal du 28 août 1719, nous redonne la situation dans laquelle se trouvait alors la maison.
Ce procès-verbal comprend 95 feuillets manuscrits, et fut dressé par Pierre PERNY, :
"architèque et expers juré royal ès juridiction de la ville de Chaumont",
assisté de Claude GAUCHER,:"maistre charpentier en laditte ville "
et de Prudent JOBARD,: "masson à Ville-sur-Terre".
"Sur ordonnance de Mr de Jouvoncourt, lieutenant au baillage et siège présidial de Chaumont du 24 août 1719, rendu à l'arrêt du Parlement de Paris du 28 juin, à la poursuite et diligence de Maistre Jean Baptiste Collot, aumônier de l'abbaye de Maizières et de deux annexes appelées Bonshommes de l'Isle et de Mathons."
" Premièrement ledit prieuré consiste en une chapelle, d'une longueur de dix toises à l'extérieur, non compris l'ancien parvis, qui en a trois. La chapelle est accompagnée de trois corps de bâtiments, qui forment avec icelle un carré, où anciennement était en dedant un petit cloître, dont il ne reste que l'un des côtés joignant le bâtiment de l'occident, et quelques vestiges côté de l'orient. Dans l'enceinte de la basse-cour il y a une petite et une grande grange, et deux portes cochères opposées l'une à l'autre, avec des anciens murs qui forment ladite cour."
"Chapelle: Il convient de faire à neuf le pavé de pierre de taille de la nef de ladite chapelle, en plusieurs endroits du choeur et du sanctuaire le tout faisant 15 toises carrées, réparation venant de la vétusté,ledit pavé ayant plus de cent ans."
" Les murs de ladite chapelle conviennent à réparer, et penchant de part et d'autre... ce qui provient de la poussée de la voûte, faite en berceau. On a bien mis des liernes de bois, mais elles ne sont pas suffisantes. Il conviendra d'y attacher des ancres de fer à quatre branches de six pieds de long. A la charpente au-dessus de ladite chapelle il faut rétablir les deux galandages, qui sont composés de petites croix St André... Pour rétablir la couverture il faudra deux milliers de tuiles creuse,avec des clous et lattis nécessaires..."
"Bâtiments: Un corps de bâtiment du côté de la basse-cour à l'occident, où se trouve une entrée dudit prieuré,lequel corps de bâtiment à quatorze toises de long, du côté de laditte cour, dans lequel il y a une chambre basse, une cave servant d'écurie à présent, et trois chambres au-dessus. La cheminée de la chambre basse a son manteau cassé depuis environ soixante ans... Il conviendra de réparer les piliers et arcades du cloître, qui soutiennent la galerie qui conduit aux chambres hautes, refaire à neuf cinq petites colonnes de cinq pieds de long, y compris leurs bases et chapiteaux, conformément à celles encore existantes, remettre plusieurs pierres de taille à l'appuis, qui soutiennent les dittes colonnes."
"Réparer l'escalier à noyaux qui conduit sur laditte galerie, et aux dites chambres hautes. Grenier au-dessus des trois chambres, à refaire entièrement. Bâtiment du côté du septentrion qui est d'une longueur de 17 toises, où était autrefois, une grande cuisine, chambre au four, à présent étable. Bâtiment à l'orient, lequel a de face 13 toises 1/2, où était autrefois le chapitre, qui est voûté en berceau, bergerie attenante. Enfin petite et grande grange."
Des travaux de réfection durent être entrepris par la suite, car la chapelle servit encore longtemps; de même les bâtiments conventuels furent habités par les exploitants agricoles jusqu'en août 1944...car la guerre passa par là.
En effet fin juillet 1944 le maquis s'installa dans la forêt de Mathons, au châlet des Gaudes sous le commandement de Georges Debert. Ce groupe comprenait une trentaine d'hommes plus sept aviateurs canadiens formant l'équipage d'un bombardier abattu par les allemands. Il disposait de deux tractions réquisitionnées, d'armes de récupération et de deux mitrailleuses d'avion. La base de ravitaillement était la ferme des Bonshommes tenue par la famille Douillot.
Le 10 août, vers 4 heures du matin, les Allemands au nombre de 1.200 à 1.500 hommes attaquèrent le maquis. Celui-ci se scinda en deux groupes. Le premier était commandé par Georges Debert et parvint a s'échapper vers le Sud. Le deuxième groupe sous le commandement d'un garde-forestier Gabriel Sanrey, essuya une fusillade nourrie à la lisière nord du bois et se replia. Il se scinda en deux groupes. Le premier comprenant Gabriel Sanrey (23 ans), Maurice Launois (26 ans), René Jakubas (18 ans) et Serge Dervaire (17 ans) ainsi que les sept canadiens se font passer auprès des Allemands pour des bûcherons, Gabriel Sanrey étant en tenue de garde-forestier. Les Allemands semblent accepter puis les martyrisent et les assassinent, quant aux Canadiens, ils sont fait prisonniers. Le second groupe comprenant onze hommes échappe, providentiellement, aux recherches des Allemands, en restant groupé bien camouflés sous des feuillages autour d'un gros chêne.
Quant aux époux Drouillot, ils sont interrogés, menacés, leur ferme-prieuré, est pillée et incendiée sous leurs yeux. Ils sont incarcérés pendant huit jours à Chaumont.
Le lendemain 11 août les Allemands reviennent aux Bonshommes, et là ils tirent sur les personnes présentes. Le fils des époux Douillot, Bernard âgé de 11 ans est tué par une rafale alors qu'il s'enfuyait. Ses parents ne connaîtront son décès qu'en sortant de prison!
Après la guerre, sous prétexte de sécurité, les autorités voulurent faire sauter à la dynamite les derniers vestiges. Mais les propriétaires de l'époque, craignant pour la solidité des bâtiments restants, obtinrent un sursis à ce projet... Que grâce leur en soit rendue !

Pour de plus amples renseignements consulter les "Cahiers Grandmontains" n° 6.

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