![]() |
Ce prieuré se trouve sur le territoire de la commune des Granges le Roi, canton de Dourdan.Pour y accéder prendre à Dourdan, sur le boulevard périphérique Sud une petite route en direction du sud, à l'entrée discrète indiquant la direction du prieuré. L'église Elle est entière; fortement remaniée au début du XXe siècle, l'église apparaît aujourd'hui, en volume, à peu près dans son intégralité extérieure. Toutefois, intérieurement la nef a été diminuée de moitié pour faire place à des pièces d'habitation dans sa partie Ouest. Néanmoins la lancette du pignon Ouest subsiste, mais a été murée et cachée partiellement par un bâtiment adventice.La longueur intérieure de la nef était de 28,55 m (réduite aujourd'hui à 14 m) prolongée par une abside de 6,85 m, soit un total de 35,40 m. L'importance de cette église est sans doute due à sa fondation royale .L'abside, semi-circulaire, est éclairée par trois hautes fenêtres à larges embrasures intérieures; en outre elle comporte deux arcatures aveugles, une de chaque côté, de même hauteur que les fenêtres. L'abside est couverte d'une voûte d'arêtes à six nervures formées de trois tores, convergeant vers une clef en forme d'anneau, située à un mètre en avant de l'arc triomphal. |
Le bâtiment Est. Le passage voûté du cimetière est très large (3,75 m). La salle capitulaire (7m x 9m) est à cinq baies, toutes de la même hauteur, La porte centrale est encadrée par des baies jumelées qui sont séparées chacune par une file de trois colonnettes hautes. Le cloître a été très modifié au XVIIIe s., ce qui a profondément altéré son caractère primitif. Le bâtiment Sud. De ce bâtiment reconstruit sur les fondations du bâtiment Sud, il reste néanmoins une partie des murs sud avec quatre fenêtres étroites et hautes d'origine, dont une a été modifiée. Les bâtiments de ferme, et le colombier. On y accède par le portail Nord construit en 1724 dans le prolongement du mur Nord de l'église. Un colombier en brique du XVIe siècle se trouve actuellement en mauvais état. | ![]() La salle capitulaire |
La communauté des Ursulines de Notre-Dame de LouÿeDepuis le 8 septembre 1992 une communauté de surs Ursulines dépendantes du cours Sainte Ursule-Louise de Bettignie du Bd Pereire à Paris a été envoyé officiellement par Mgr Guy Herbulot, évêque d'Évry, le mardi 8 septembre 1992, pour épauler le clergé local. Plusieurs associations et mouvements catholique de la paroisse de Dourdan y ont un local de réunion. En 2001, plus de 9000 personnes sont passés à Louÿe. Quatre concerts ont été donnés dans la chapelle. Tous les ans la messe du 15 août se déroule dans le parc, et le 8 septembre 2002 on a fêté l'anniversaire des 10 ans de la fondation de la communauté. Les amis de Louÿe ont le projet presque concrétisé de sauvegarder le magnifique colombier en brique du XVIe siècle. Juin 2012 - La communauté des Ursulines a pris la décision de vendre le prieuré. Il est fortement question qu'il soit repris par le Diocèse de Paris pour ses œuvres de jeunesse. | ![]()
Le colombier |
Histoire du prieuré
Louye au XIIe
et XIIIe siècle.
La plus ancienne charte grandmontaine, non suspectée, semble être
celle que Louis VII donna en faveur de Louye en 1163 .
Une légende de sa création nous est rapportée :
“Le vulgaire tient par tradition que ce lieu fut premièrement dédié
à Dieu et ainsi nommé par un Roy qui en chassant s’estoit
égaré dans la forest, et qui n’avoit pas esté ouy
n’y secouru des siens que lors qu’il se trouva en ce lieu, en considération
de quoy il fit bastir une chappelle à laquelle il affecta et les terres
labourables et quantité de bois à l’entour, suivant les
bornes et fossez, desquels il les distingua et sépara du reste de la
forest, et lui donna le tiltre de Notre-Dame-de-Louye, parce qu’à
l’aide du sens de l’ouye il avoit esté du péril. Que
cette tradition soict vraye ou fausse, j’en laisse le jugement à
la différence de chacun”.
L’acte de donation fut ainsi rédigé :
“Au nom de la Sainte et individuelle Trinité - Amen - Louis par
la grâce de Dieu, Roi des Français que tous, ainsi que ceux qui
viendront connaissent que nous, pour l’amour de Dieu et en vue de notre
salut éternel, avons donné et concédé aux moines
de bien de Grammont, le domaine de Louye avec les bois et les titres comme ils
sont, entourés et séparés de toutes parts par des fossés
en possession libre, tranquille et pacifique, aussi notre population des Granges
a-t-elle abandonnée tout aux personnes susdites, tous droits qu’elle
avait sur les bois- inclus dans lesdits-fossés - Et, pour que cette donation
ait valeur perpétuelle nous l’avons faite dressée par écrit
et appuyée de l’autorité de notre sceau.
Fait à Etampes, l’An du Verbe incarné 1163. Donné
par acte du chancelier Hugon. Et scellée de cire vert à laz de
soie.”
L’enclos donné était carré . À la demande
du Roi, le cinquième prieur général de l’Ordre, Pierre
Bernard, envoya sept religieux qui s’y établirent et défrichèrent
les lieux
Le roi Louis VII et son épouse Adèle vinrent à Louye demander
aux Bonshommes d’obtenir du ciel un fils si longtemps refusé à
leurs vœux. Ils furent comblés et ce fils prénommé
Auguste, passera à la postérité sous le nom de Philippe-Auguste.
Ce Philippe-Auguste ne se montra pas tellement reconnaissant aux Bonshommes.
Un jour de l’année 1213, alors qu’il était à
la chasse à Louye il trouva l’endroit plaisant, et retira par un
acte, les bois donnés par son père aux Bonshommes ! Ce ne fut
que Saint Louis ayant appris l’illégitimité de sa possession,
qui rendit ces bois en avril 1255, et confirma toutes les libertés et
immunités qui leur avaient été concédées
par son aïeul .
Pour en revenir à la reine Adèle elle fut reconnaissante aux Bonshommes
d’avoir eut ce fils Auguste. Elle acheta en 1183 la seigneurie de Chalou,
et la donna aux chevaliers du Temple en leur demandant de remettre chaque année
aux bonshommes 20 muids de froment à prendre dans leur grange de Chalou-la-Reine.
L’acte capitulaire pris par les Templiers précise que cette livraison
aurait lieu à Louye le jour de la Saint-Rémy, et que le lendemain
de la circoncision, la somme de 10 livres serait à la disposition des
Bonshommes au “Temple de Paris ”.
Fin mars 1213, une donation fut faite par l’évêque de Chartres,
Renaud de Monçon, mais ce dernier ne s’était pas entouré
d’assez de précautions lors de l’achat des dîmes qu’il
voulait offrir aux religieux de Louye. Ces dîmes appartenaient aux chanoines
de St Chéron, et avaient été vendues par un certain Robert
de Guillerville. Il s’ensuivit un long procès au bout duquel, en
février 1219, les Grandmontains durent restituer les dîmes et reçurent
en compensation une indemnité de 160 livres parisis.
En 1295, Louye payait 20 livres de pension à la maison-mère, et
était occupé par sept religieux. Son territoire était clos
de fossés et mesurait 453 arpents environ, dont 346 en bois et 97 en
terres labourables, soit le quart de l’ensemble . Il était carré
comme celui des Moulineaux .
Louye au XIVe siècle.
En 1315, le 21ème Prieur de l’Ordre, Jourdain de Rapistan fut accusé
par sept définiteurs de l’Ordre, de dilapider les biens de l’Ordre,
et de mener mauvaise vie. Ils élirent le jeudi après la Saint-Mathias
(24 février) 1316, à Limoges, Hélie Adémar, correcteur
de Louye. Après beaucoup de difficultés, le Pape Jean XXII, annula
cette élection et démit Jourdain de Rapistan de sa charge
En 1317 Jean XXII éleva Louye au rang de prieuré et lui donna
comme annexes : Le Bois St Martin (celle 28/2), Les Moulineaux (celle 78/2),
et La Coudre Ste Radegonde (celle 45/2) ce qui porta sa communauté à
18 frères.
Puis vinrent les malheurs de la Guerre de Cent ans. Louye perdra les protections
royales et subira un long siège. Elle finira par tomber aux mains ennemies,
l’église ainsi que les bâtiments monastiques seront gravement
endommagés. De plus les paysans dont les récoltes avaient été
pillées, ne pourront payer leurs redevances; sur les terres redevenues
incultes, le gibier proliférera et les ravagera.
Il y eut, malgré tout des périodes de répit. Ainsi le “samedi
après la Saint-Georges de l’année 1347 ”, le frère
Etienne la Gayne, prieur de Louye, acheta après plusieurs enchères,
pour la somme de 20 livres parisis, à des créanciers de Jehan
Marchant, tondeur à Guéherville, demeurant jadis à Dourdan,
“une maison assise à Dourdan, avec ses jardins et foussez, tenant
d’une part à Colin le Buysson le Jeune, et d’autre part à
Raychirot Barnabas de Dourdan” .
Le 24 février 1383, un drame assombrira la communauté; un clerc
le frère Martin, qui avait été prieur de Louye, ne voulant
pas rendre compte à l’Abbé de ses comptes fut remplacé
par un autre prieur, Jehan Chardeboeuf. Il fut chassé pour son inconduite,
mais grâce à des complices involontaires, il réussira à
pénétrer dans le prieuré et se vengera en tuant le prieur
. Le Roi Charles VI graciera un complice habitant Corbreuse, Guillaume le Pannelier.
C’est par cet acte que nous connaissons la teneur de ce fait divers (voir
pièce n°2, page 37)
Louye au XVe siècle.
En 1406, Pierre de la Salle prieur de Louye était étudiant à
la faculté des Décrets à Paris. Michel Pourrat lui succédera,
et c’est lui qui resté fidèle au Roi de France, dut fuir
en 1428 lors de la venue des troupes anglaises de Salisbury, qui détruisirent
Dourdan, passèrent au fil de l’épée femmes et enfants,
et pendirent les hommes. Louye ne fut pas mieux traité. Henri VI, Roi
de France et d’Angleterre nommera le prieur des Moulineaux, Pierre Galle,
à sa place pour assurer l’intérim . Des lettres de provision
du 20 janvier 1430 l’atteste :
“A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Simon Morhier,
chevalier seigneur de Villiers conseiller du Roy noste Sire et garde de la Prévôté
de Paris, Commissaire de par le Roy...faisons que veues les lettres du Roy Henry
par la grâce de Dieu Roi de France et d’Angleterre a notre amé
et féal conseiller levêque de Beauvais et au Prévôt
de Paris ou à son lieutenant salut et dillection comme le prieuré
de Lordre de Grantmont lez Dordan soit de présent en ruyne et désolacion
par l’absence de frère Michiel Pourat prieur du prieuré
lequel prieur est demouré ès pays à nous contraires c l’en
dit et par ce besoin et nécessité de commettre au gouvernement
dudit prieuré, des religieux, rentes, revenus et héritages dicellui,
Personne bonne et suffisante qui sache administrer et gouverner...Savoir nous
faisons que, oye la bonne relation qui faicte nous a été de la
personne de frère Pierre Galle religieux et profès dudit prieuré,
baichelier en théologie à Paris et prieur des Moulineaux...Donné
à Paris le XXe jour de novembre l’an de grâce mil CCCC et
trente”.
En 1444 le frère Pierre de la Salle procéda à un inventaire
des revenus du prieuré ainsi qu’à celui des reliques .
Puis le 11 mai 1445, le prieur Jean Guilloneau, conféra l’administration
des Moulineaux au frère Lubin Papillon et en 1470 au frère Pierre
Rolland. Un incendie consuma une partie des bâtiments en 1462 . En 1493,
Guischard Baisle, sera le dernier prieur titulaire régulier de Louye.
À cette époque survint une grande épidémie et tous
les religieux décédèrent; le prieur se retira dans l’annexe
de La Coudre Ste Radegonde (45/2) et y mourut en 1499.
Le prieuré ne resta pas longtemps vide, car le chef d’ordre envoya
quelques religieux; ils obtinrent un arrêt le 31 janvier 1499 en leur
faveur contre le “Prieur-Curé des Granges le Roi qui prétendait
obtenir la dixme des laines des agneaux” .
Louye au XVIe siècle.
Peu de temps après survint le concordat entre le pape Léon X et
le roi François 1er, qui instaura le système des prieurs commendataires.
Le premier nommé au “bénéfice” de Louye sera
Messire Louis du Bellay, archidiacre de Paris.
Le 13 août 1518, ce prieur commendataire, fit une déclaration au
Roi François 1er. En prenant possession de son bénéfice,
le prieur avait trouvé Louye dans un état complet de ruine et
d’abandon, mais quatre ou cinq religieux y habitaient. La déclaration
dit :
“...sur quoy nous entretenons ordinairement de vestiaire boire manger
coucher et lever, quatre ou cinq religieux avec leurs serviteurs qui par chaque
jour chantent matines prime tierce sexte messes et vêpres et ordinairement
toutes les heures canonicales pour les bienfaiteurs et fondateurs dudict lieu.
Item l’entretenons de cierges,torches, huile, ornements et livres et généralement
toutes choses nécessaires à une église. Item avons faict
édifier les maisons et manoirs dudict lieu comme grand corps de maison
auquel sont contenuz quatre ou cinq chambres. Item faict grands garnyers de
charpenterie et couverture. Item bergeries colombier et estables. Item faict
relever toute la massonnerie d’entour les jardins et maison. Item faict
desroquer lesdits jardins et oster les pierres et ordures qui estoient demourez
du temps que ledict lieu de Loye fut détruit et desmoly par les guerres
en sorte que à l’heure que nous fûmes pourvu tout ce qui
estoit plus debout, y fondoit. Item et encore de jour en jour y faisons besogner
et même que l’année passée nous fîmes abattre
toute la couverture de l’église ensemble la charpenterie tellement
il n’y avoit que la muraille debout et laquelle nous avons fait réédifier
toute neuve avec clocher couvert d’ardoise, et autres choses qui estoient
necessaires. Lesquelles réparations nous coûtent plus de dix mille
francs... ”.
Louis du Bellay fit donc reconstruire les bâtiments conventuels, l’église
et son clocher, les chaires du choeur, puis relever les murs de clôture.
A Louis du Bellay succédera en 1528, Guillaume de Paris, archidiacre
de Soissons et chanoine de la Sainte-Chapelle à Paris. En 1540 la charge
revint au cousin de Louis du Bellay, Eustache du Bellay, qui était évêque
de Paris.
Le 25 novembre 1554 en exécution d’un arrêt du Procureur
général des forêts et Eustache du Bellay prieur commendataire
de Louye, un arpentage fut effectué par Jean Lheireux et Martin Blondesni,
arpenteurs à Dourdan, du manoir, des terres et bois. Il en ressortait
que l’enclos contenait 452 arpents 3 quartiers et demy, et un manoir,
terres et vignes pour 107 arpents un quartier et demi.
Le 18 mai 1558, Mgr Eustache du Bellay, évêque de Paris, loua les
revenus des Moulineaux à Charles d’Angennes, fils de Jacques, Seigneur
de Rambouillet. Charles venait d’être promu évêque
du Mans, sur la recommandation de Marie de Médicis. Il demeurait néanmoins
à Paris, rue St Honoré.
En 1565 Mgr Eustache du Bellay se démis pour un allié de sa famille,
Claude d’Angennes, futur évêque de Noyons en 1578. Ce dernier
profita de sa position prédominante pour échanger à son
frère Charles le prieuré des Moulineaux que ce dernier avait en
location, contre les terres de Besnières qui lui appartenaient et se
trouvaient plus près de Louye (Août 1576, homologué au Parlement
le 30 juin 1584).
Louye eut beaucoup à souffrir des guerres de Religion, ainsi que des
troubles de la Ligue. En octobre 1567, le prieuré fut dévasté
par les Huguenots, l’église pillée et les reliques profanées
. Les religieux abandonneront Louye pendant plus de cinquante ans.
Claude d’Angennes peu de temps après le fructueux échange
qu’il avait fait de sa terre de Besnières contre le prieuré
des Moulineaux voyant la ruine du prieuré de Louye résigna sa
charge. Elle fut reprise par Charlemagne d’Eschouys à une date
indéterminée, sans doute vers 1586. Ce dernier habitait Paris,
d’après un acte de décharge des dîmes dues au prieuré
des Moulineaux et transférées du fait de l’échange
à celui de Louye (6 août 1596) . Il résigna pour Etienne
Leroy, chanoine de la Sainte-Chapelle à Paris.
Louye au XVIIe siècle.
En 1608, ce fut le tour de Jacques du Lac qui s’occupa de son bénéfice
avec beaucoup de soins, et obtint le 9 décembre 1609 des lettres-patentes
du roi Henri IV confirmant tous ses droits , ainsi qu’un arrêt du
Conseil :
“sur la réquisition de Me Jacques Dulac, advocat en Parlement,
nouvellement pourvu du prieuré de N-D de Louye, par lesquelles confirme,
approuve et maintient les privilèges du prieuré, son indépendance
des officiers de justice de Dourdan, déclare la franchise, libre, quitte,
et exempte de toutes redevances envers le Roi et tout autre “(9 décembre
1609) .
Le Roi déclare en outre : “que le titre de la coupe de bois appartenant
à sa Majesté comme s’il eusse été en gruerie,
ce qui est très préjudiciable audit prieuré, cette clause
soit déclarée par la dite Majesté estre de nul effet et
valeur comme contraire aux franchises, privilèges et liberté dudit
prieuré de Louye. Ce faisant ordonne que lesdites lettres royaux où
sont les dites clauses soient redressées”.
Mais Louye n’hébergeait aucun religieux grandmontain depuis 1567,
aussi l’Abbé Rigal de Lavaur intenta une action en justice en 1614
devant la cour des requêtes de Paris . Ce procès se termina le
18 avril 1621, par une transaction dans lequel le prieur commendataire :
“ était condamné à souffrir le rétablissement
de la régularité... qu’il seroit aussy condamné de
fournir auxdits religieux sur les revenus dudit prieuré ce qui seroit
nécessaire pour leurs subsistances...”. Deux religieux furent envoyés
à Louye “pour y vivre régulièrement et faire le service
divin ”avec une petite pension de 200 livres chacun .
En Août 1623, fuyant l’épidémie de peste qui sévissait
à Paris, le roi Louis XIII se retira dans son château de St Germain-en-Laye.
Un jour il vint rendre visite au prince de Rohan-Montbazon à Rochefort-en-Yvelines,
pour admirer son nouveau château, et se livrer à son plaisir favori:
la chasse. Le lendemain de son arrivée, les veneurs firent leur rapport,
un cerf avait été détourné par eux dans un petit
bois appartenant à Marie de Médicis distant d’une demi-lieue
de la forêt de Dourdan. On le chassa et l’on décida ensuite
de venir dîner à Louye. Le roi fut reçu par le prieur commendataire,
Jacques du Lac, conseiller du Roi et aumônier ordinaire de sa Majesté,
entré en jouissance de ce bénéfice en 1608 . Il lui présenta
la maison fondée par ses ancêtres, et ne manqua pas de lui dire
qu’il serait convenable qu’il les imita dans leurs actions vertueuses.
Louis XIII répondit qu’il voulait être lui aussi le protecteur
et le bienfaiteur de la maison, et voyant les grandes réparations que
le prieur “avaient faites”, il lui accorda 6.000 livres à
prendre sur les hauts bois qui dépendaient du prieuré, pour pouvoir
achever les bâtiments, et creuser un étang, car le lieu manquait
d’eau. Jacques du Lac se servit des 6.000 livres mais pas pour l’amélioration
de Louye, car en février 1650, l’Abbé Général
Georges Barny vint en visite à Louye. Il trouva le prieuré en
:“ très mauvais état , les bâtiments et les lieux
réguliers estant en ruyne, n’y ayant que deux religieux qui manquoient
de plusieurs choses nécessaires. Qu’ainsy le service divin n’y
étoit pas fait comme il devroit l’estre. Pourquoi demandoit permission
de faire assigner Mre Jacques Dulac prieur commendataire pour estre condamné
à rétablir ladite maison et la régularité en icelle,
que le nombre de religieux soit augmenté et à cet effet que le
partage seroit fait de tous les biens dudit prieuré en trois lots, l’un
pour le sien prieur, l’autre pour les religieux et le troisième
pour les charges du bénéfice .”
Il obtint des lettres de rescision de l’accord de 1621, n’accordant
aux religieux qu’une pension de 400 livres annuels. Les lettres furent
entérinées en 1653, devant notaires au “Chatelet de Paris”
Me Claude Dauvergne et Germain Fromoy. Le revenu de Louye fut divisé
en trois parties: le premier au prieur commendataire Louys du Lac demeurant
“à Saint-Germain-des Prés lez Paris, rue du Vieux-Colombier,
paroisse Saint-Sulpice, faisant tant pour lui, que pour son successeur...”.
Il avait succédé à son oncle Jacques du Lac. La deuxième
partie des revenus fut attribuée aux religieux, et la troisième
aux charges . Mais une transaction vint changer cet arrangement en 1657. Les
biens de Louye furent partagés en deux. Une part pour le commendataire
Gabriel Bailly, et l’autre pour les religieux.
Le commendataire aurait lui et ses successeurs, “un logement consistant
en une grande chambre, petit cabinet sur le jardin, petite chambre à
côté; deux chambres se suivant l’une l’autre, et le
grenier au-dessus; la grande cuisine et les bâtiments du côté
du jardin. Le grand jardin sera commun, auquel le dit sieur Bailly pourra y
prendre ses fruits et légumes autant qu’il en faudra lorsqu’il
sera à Louye, sans pouvoir les affermer, ni les emporter.”
Les religieux devaient en outre lui payer cent livres, lui fournir son bois
de chauffage, quatorze muids de blé, la paille et litière pour
ses chevaux et ceux de ses domestiques, et autres survenant de sa part. En outre
il percevait les revenus des annexes de Louye, à charge pour lui de payer
la pension de l’oblat, les décimes ordinaires et extraordinaires,
d’entretenir son logement et toutes les dépendances des annexes.
Les religieux devaient quant à eux, jouir des bâtiments restants
, payer la pension à l’Abbé de Grandmont, entretenir l’église
et fournir le nécessaire au service divin, ainsi que les aumônes,
acquitter les frais de visite du Général et de ses vicaires.
En 1655, le prieur commendataire Gabriel Bailly et le prieur de Louye, le R.P
Thomas obtinrent du roi des lettres-patentes les autorisant à vendre
la coupe de 150 arpents de bois du Haut-Besnières. Le produit de la vente
rapporta 23.656 livres .
Comme on l’a vu auparavant l’ancien prieur commendataire avait touché
6.000 livres pour procéder à l’entretien des bâtiments,
mais n’en n’avait rien fait. Le 4 Mai 1660 une sentence condamna
les héritiers de feu Me Jacques du Lac au versement des 6.000 livres
reçues pour les réparations qui n’avaient pas été
exécutées .
C’est de cette époque que datent les plus anciennes tombes de Louye
:
15 octobre 1651 - le Révérend Père Dubois, prieur claustral
de Louye
1667 - tombe du Père Volondat, originaire de Limoges
1669 - tombe d’un religieux originaire du Perche.
1678 - tombe du Père François Gaudin prieur claustral de Louye,
originaire d’Amboise.
puis une tombe du Père Denis Royer originaire de Dourdan, et celle du
Père Pierre Rabasche, un tourangeau, morts tous deux des suites “d’un
rhume négligé”.
Nous savons qu’un parent du 21ème Abbé, Georges Barny (1635
- 1654) Jean Barny, prêtre et profès, bachelier en droit canon
de la faculté de Paris, était religieux à Louye ; il deviendra
prieur claustral de Louye en 1653.
Dans un bail de la ferme de Louye passé le 12 décembre 1659, nous
savons que le prieuré était occupé par le frère
Jean Barny prieur claustral; Joseph Joly, Pierre Preuilly, François Gaudion
tous prêtres religieux, et Henry Fouquet religieux .
Un arrêt fut rendu par le grand conseil du Roi le 4 août 1663 :
“par lequel et pour les causes y contenues sa dite Majesté mande
à la Cour et Parlement que s’il luy appert que les bâtiments
dudit couvent de Louye soient ruinés et qu’il n’y ait aucun
cloître. Il permet audits religieux de faire couper et vendre des hauts
bois dudit prieuré jusque et à concurrence de la somme que la
Cour jugera estre nécessaire pour lesdis bâtiments et réparations...et
que iceluy prieuré seroit visité en la présence du lieutenant-général
et substitut du Procureur général du Roy à Dourdan par
experts nommés. Et que les bois dépendants dudit prieuré
de Louye seront aussy visités par le maistre des eaux et forêts
de Dourdan en présence du procureur du Roy”
Le 13 octobre 1663 un procès-verbal de visite fut dressé par Richard
Liboistre, conseiller du Roi. C’est un fort document de 103 pages recto-verso
. Après estimation des travaux il fut procédé à
la visite des bois :
“visite des bois à couper jusqu’à 6.000 livres pour
être la somme employée aux réparations nécessaires
au prieuré et maison régulière de Louye et dépendant
de la mense du prieur commendataire. La cour ordonne que ledit prieur commendataire
les fera incessamment faire à ses frais et despends sauf son recour contre
les héritiers de ses prédécesseurs prieurs. Enjoint en
oultre ladite cour au juge de Dourdan de tenir la main à exécution
dudit arrêt et aussy aux religieux de Louye à peine d’en
répondre en leur propre et privé nom”.(9 Mai 1664).
Les travaux furent réceptionnés trois ans plus tard. Un procès-verbal
du 16 juillet 1667 en fait part : “Procès-verbal et visite et réception
de tous les ouvrages, bastiments et réparations faites au prieuré
de Louye en vertu des lettres-patentes”.
Dans les liasses de la série 5 HH 60 à Limoges se trouve l’acte
de la pension que devait le prieur de Louye à l’Abbé de
Grandmont (23 août 1667):
“Par-devant les notaires garde-notes du roi notre Sire en son Palais de
Paris soussigné fut présent Révérend Père
Dom Augustin Durand Religieux de l’Abbaye de Grandmont et procureur syndic
de ladite abbaye ci présent à Paris résident au Collège
de Grandmont, rue du Jardinet, paroisse St Côme, lequel au nom et comme
procureur de Révérendissime Dom Antoine de Chavaroche, Abbé
dudit Grandmont, Conseiller et Aumônier ordinaire du Roy, Chef général
dudit Ordre fondé de sa procuration passée pardevant Deitheut
et Burdon, notaires audit Grandmont, le cinquième novembre mil six cent
soixante six, spéciale pour l’effet du présent, dont l’original
est demeuré annexé à la minute d’une quittance donnée
pour ledit Révérend par Mr l’Abbé Guérin passé
par devant Burdon de Crespin, Vydar notaires soussignés le troisième
août dernier, a reconnu a confessé avoir eu et reçu comptant
de la quatorzième jour de février dernier de Dom Placide Richomme,
prestre religieux dudit ordre et procureur syndic du prieuré conventuel
de Louye dépendant dudit Ordre. Pour cy l’acquit de Messire Gabriel
Bailly, prieur commendataire dudit prieuré de Louye estant ledit Dom
Placide Richomme de présent à Paris logé audit Collège
de Grandmont a présent la somme de cent livres tournois et déduction
de la pension due pour le passer par ledit sieur Prieur Commendataire a cause
de son dit prieuré a raison de cinquante six livres dix sols par an que
ledit Seigneur Abbé a droit de prendre a cause de sa dite abbaye annuellement
sur ledit prieuré au jour et fête de l’Ascension de la quelle
somme de cent livres le Révérend Père Augustin Durand au
dit nom, pour comptant en a acquitté et quitte ledit Dom Richomme, promettant
obligeant au dit Dom Richomme fait et passé à Paris desdicts notaires
an Mil Six cent soixante sept le vingt trois août a vu signé la
minute du présent demeure. ” .
L’Abbé Général, Alexandre Frémon introduisit
la réforme de son frère Charles à Louye qui deviendra la
maison d’études de cette branche.
Les religieux de l’Etroite Observance ainsi que Charles Frémon
qui s’était joint à eux malgré sa maladie, furent,
contrairement à d’autres prieurés, reçus avec beaucoup
d’égards par les religieux de la Commune Observance le 21 décembre
1679. Il est vrai que des précautions avaient été prises.
Le Père Alexandre Frémon avait déplacé dans d’autres
prieurés ceux qui n’avaient pas d’affection particulière
pour la Réforme, et avait fait venir d’autres religieux qui désiraient
l’embrasser.
Ils trouvèrent le prieuré de Louye dans un état de grand
délabrement, Dom Nicod le consignait dans son livre-journal page 3 (voir
pièce n°3, page 39)
Le Père François Thomas remplaça en 1681 le Père
François Gaudin décédé. Une déclaration du
15 Janvier 1681 faite au Comté de Dourdan pour satisfaire aux ordres
du Roi et à son Altesse royale Monseigneur le Duc d’Orléans,
comte de Dourdan, en fait foi. Elle est signée par François Thomas
supérieur, A. Tourneveau, H. Melun et Charles Barge, religieux. Le frère
François Thomas exercera également la charge de vicaire général
de l’Etroite Observance jusqu'à son décès en 1705.
Le Grand Conseil rendit un arrêt le 23 juin 1681 contre les prétentions
du curé des Granges le Roi, en confirmant l’exemption de la dîme
aux religieux, ainsi que le pouvoir d’administrer les sacrements à
leurs domestiques .
Dans un mémoire “de ce qu’il y a à faire dans les
maisons” l’Abbé Alexandre Frémon dressa avant de commencer
son périple par Louye, la liste des affaires à élucider
. Il écrit :“ Louye : arrivé le 30 septembre 1683, reparti
le 3 octobre. Faire la visite, interroger et ouïr les religieux comme ils
le souhaitent, et de suite établir le (compte-rendu ?), de faire son
provision” .
De là le Père Frémon visita successivement Orléans,
Boulogne, Villiers, Cléry, Tours, Chinon (Pommier-Aigre), le petit puis
le grand Bandouille, Breuil-Bellay, la Haye d’Angers, la Primaudière,
Barbetorte, La Rochelle (Sermaize), la Lance, la Tremblade (la Garde), Royan,
Saintes, Montmorillon. Ce mémoire mentionne de multiples indications,
ainsi que de très nombreux points à éclaircir ou à
solutionner.
Un inventaire des biens du prieuré fut dressé et clôturé
le 21 août 1696 . Il comprend 128 articles ainsi que les biens perdus
par les annexes et par Louye. En terminant son inventaire, l’auteur écrivit
:
“Tous lequelz biens et anciens revenus ont été tirez d’un
petit livre manuscrit fait il y a environ trois cents ans. Quoiqu’il n’y
ait plus aucun moyen de rentrer dans la possession desdits biens, veue la très-longue
prescription d’iceulx, on les a cependant insérez au présent
inventaire pour servir d’advertissement, et donner du soin et de la vigilance
pour la conservation de ceux qui sont encore à la maison et prieuré
de Louye”.
Louye au XVIIIe siècle.
Un arrêt fut rendu le 12 juillet 1703 à la requête du prieur
commendataire, et suivi d’une sentence de la maîtrise des Eaux et
Forêts de Dourdan interdisant à toute personne de porter fusil
et de chasser sur toute l’étendue de l’enclos
Réunis en chapitre les douze religieux de Louye, sous la présidence
de leur supérieur, D. Laurent Leroy, décidèrent le 1er
Mai 1707, de se conformer aux ordonnances relatives à l’état-civil.
Afin de remédier aux lacunes du passé ils relevèrent les
noms de toutes les pierres tombales du cloître, et ils firent appel aux
souvenirs de chacun. Car c’est avec la réoccupation de Louye par
une communauté au milieu du XVIIe s. et la restructuration des bâtiments
que le cimetière fut transféré dans le cloître, ce
qui sauvera Louye à la Révolution, comme nous le verrons .
À cette époque, le prieur commendataire était Jean Bailly,
prêtre demeurant au séminaire des Missions étrangères
à Paris
En 1712, Le révérend père François Lefebvre était
le prieur claustral de Louye, et vicaire général de la Stricte
Observance. Il fut remplacé en 1713 par D. Dorothée Ojardias,
natif de Thiers, qui dut traiter de nombreuses affaires embrouillées,
dont celle des placements du prieuré de Thiers dans la banque Law. Ce
monastère étant ruiné le Père Dorothée obtint
un brevet du Roi Louis XV le 27 décembre 1720 autorisant l’union
de la mense priorale de Louye, avec l’autorisation du prieur commendataire,
l’abbé Bitaut, à celle de Thiers. Le Pape Clément
XII ratifia l’union par une bulle du 26 juin 1731. Le Père Dorothée
fut nommé supérieur d’Epoisses, puis vicaire général
de l’Etroite Observance en 1724. Il dirigea le prieuré jusqu’à
sa mort à Louye le dimanche 29 avril 1736, ou il fut enterré dans
le cloître face à la porte du chapitre. Il fut remplacé
par le père Bruno Robillard.
Le 19 mai 1719 Dom François de la Guérinière, Abbé
de Grandmont, après réunion du chapitre approuve le projet de
construction d’une cave avec bâtiment au-dessus. Il s’agit
certainement de la cave se trouvant au bout du bâtiment Sud, qui avait
été aménagée pour la vinification. Elle est toujours
dans un excellent état de conservation .
C’est à cette époque (23 novembre 1720) que Dom Nicod situe
un placement des religieux en une rente sur l’Hôtel de ville de
Paris. (Voir son texte sur cette affaire dans pièce n°3, p. 32)
Le 12 mai 1722 était dressé un : “devis estimatif des réparations
de vétusté qui sont à faire aux bâtiments du couvent
des religieux solitaires de N-D de Louye les Dourdan”
“Nous soussigné, Charles-Benoît de Fortier, architecte des
bâtiments à Paris, y demeurant, commis par ledit ordre, sommes
transportés audit couvent de N.D de Louye, distant de onze lieues de
Paris, où étant arrivé le dit jour 12 mai à 9 h
du matin, avons commencé à examiner les ouvrages à faire,
et dresser le présent procès verbal d’estimation, ainsi
qu’il s’en suit:
Premièrement :
Sera observé que les ouvrages qui sont commencés, et qu’ils
restent à faire, proviennent tant par la vétusté, que parce
que les religieux ayant été obligés de céder une
partie de leurs logements pour leur abbé, il ne leur reste plus qu’un
coté du cloître, dans lequel ils sont trop étroitement logé,
sans aucunes commodités nécessaires. Ce qui leur a fait prendre
le parti de commencer à rebâtir un autre coté dudit cloître
sur des anciens vestiges, dont ils ont repris la plus grande partie, depuis
le fond des fondations des anciennes caves, qui estoient depuis longtemps en
masure, et dont les murs ainsi que les portes soient entièrement tombés,
sans aucun bâtiment dessus.
Sera pareillement observé qu’il y a environ six cents ans et plus
que tous les bâtiments dudit monastère sont faits, et que le logement
de Mr l’Abbé ayant anciennement péri des premiers, les Religieux
ont été obligés de lui céder un grand costé
de leur cloître, qui faisait autrefois leur chapitre, et leur réfectoire,
avec quelques autres commodités au rez-de-chaussée et au premier
étage, plusieurs grandes chambres avec de grands greniers au-dessus,
ce qui leur auroit pu suffire....
suit le devis des réparations à faire.
Le vendredi 15 septembre 1724, sur la demande de l’Abbé Bitaut,
prieur commendataire, Messire Alexandre Lefèvre de la Fallière,
Grand-Maître “enquesteur” et général réformateur
des Eaux et Forêts de France fait venir à Louye , Pierre-François
Godot , architecte à Paris, “y demeurant rue du petit Lion, paroisse
St-Sauveur”, pour établir “une estimation des ouvrages de
vétusté qui sont à faire dans les bâtiments, et fermes
dépendantes du prieuré royal ”. Cet architecte en renom
était également l’auteur du portail Nord visible en arrivant
à Louye; portail qui ne manque pas d’élégance. Il
servit à accueillir le roi Louis XV quand il vint au prieuré le
2 juillet 1735, non pas poussé par la grâce, mais par celle d’un
cerf qu’il avait forcé dans les bois de Rochefort. Ce cerf traversa
la vallée et fut pris dans la cour même du prieuré. Les
religieux lui offrirent un rafraîchissement, et prêtèrent
au Roi une voiture pour ramener le cerf à Rambouillet.
L’exploitation et la surveillance des bois furent l’objet des soins
attentifs des religieux. On trouve à Versailles un grand nombre de documents
sur les droits de chasse (1699 - 1755) .
Un exemple parmi d’autres :
20 septembre 1753 - Réception d’un garde-chasse par Georges-Dosithé
Barge, prieur, Jacques Hebere, sous-prieur, et Antoine Maumy procureur, recevait
Pierre Boulay habitant au couvent de Louye présenté par son Altesse
sérénissime, Mgr le Duc d’Orléans, premier prince
de sang du Duc d’Orléans, de Chartres, Mgr de Montpensier, Comte
de Beaugency...
Il était d’une nécessité indispensable de prendre
un garde qui nous soit attaché, et uniquement occupé à
veiller à nos intérêts dans l’étendue dudit
prieuré, et qui par son assiduité empêchera les dégâts
que font journellement dans nos bois...Bien instruit de sa probité et
des bonnes mœurs de Pierre Boulay âgé de 22 ans, natif de
la paroisse de St Eman Pezilliers. Bien certain aussi que ledit Pierre Boulay
fait profession expresse de la religion catholique, apostolique et romaine,
nous l’avons institué...
Signé Dosithé Barge - Antoine Maumy.(avec sceau).
Les réparations durent se faire, mais avec quelques difficultés,
une demande de modification est demandée le 30 août 1758 :
“A Monseigneur Le Grand Maître; enquêteur et Général
réformateur des eaux et forêts au département de Paris et
Isle de France”
Monseigneur,
Charles Carrey adjudicataire des réparations à faire au prieuré
de notre-Dame de Louïe suivant la délivrance qui luy en a été
faite au siège des eaux et forêts de Dourdan le vingt quatre septembre
dernier, prend la liberté de vous représenter que dans l’exécution
des plans et devis qui lui ont été remis desdits ouvrages, il
s’est appliqué et s’applique a s’y conformer à
la lettre, tant pour la solidité, que pour la symétrie, et même
qu’il y ajoute souvent , quoiqu’à plus grands frais, lorsqu’il
est estimé que le bien de la chose le requiert; mais que malgré
ses attentions, il est quelquefois obligé de s’en écarter
dans quelques parties de peu de conséquence, soit pour la distribution,
soit pour la qualité des matériaux, que vu la difficulté
et l’impossibilité où il se trouve de se procurer autant
de grais qu’il en auroit besoin, et qui soient de nature à pouvoir
être taillés d’une manière convenable aux dits ouvrages,
n’ayant pu à cet effet obtenir des Seigneurs voisins la permission
d’en prendre sur leur territoire, il sera forcé de faire construire
en meulière les arêtes de la voûte du cloître qui doit
être fait audit prieuré, et laisser les bayes des portes qui sont
autour dud. cloître dans la situation où elles sont, sans les rehausser,
ainsi qu’il est porté par le devis du sieur Davillers.
Comme l’ouvrage concernant le cloître n’en sera ny moins propre,
ni moins solide, quoique les arêtes ne soient pas en grais...
Ce à quoi l’architecte Daviller donne son accord :
...Pour diminuer la dépense sans diminuer la solidité, notre avis
est qu’il convient 1° construire les arêtes de la voûte
du cloître en pierre de meulière...2° laisser les bayes autour
dudit cloître dans leur état actuel...”
Puis le 27 décembre 1762, Messire Louis-François Duvaucel, chevalier,
conseiller du Roy, Grand-Maître enquêteur et général
réformateur des Eaux et forêts de France au département
de Paris en vertu de l’ordonnance du 18 novembre vient procéder
à la visite et réception des travaux exécutés suivant
le devis du 29 septembre 1760, et de l’adjudication du 29 avril 1762,
en compagnie de l’architecte Claude-Louis Daviller et en présence
du prieur Dom Nicod et du sieur Michel Rabourdin, adjudicataire, receveur de
la Chapelle d’Aunainville (une possession de Louye). Suit la description
de très importants travaux de réfection à l’église
:
“1°/ blanchissage de l’intérieur de l’église.
peinture en imitation marbre du maître-autel, et des marches de devant;
redorer les ornements; fourniture de six chandeliers neufs de 32 pouces, et
d’une croix de 4 pieds en cuivre, de deux crédences en marbre avec
leurs pieds dorés. Réfection du pavé du sanctuaire en pierre
et marbre. Pose de lambris de 23 toises de superficie sur le pourtour du sanctuaire,
décoré d’une gloire au milieu et d’ornement de sculpture
en haut des panneaux, le tout verni de deux couches de vernis gras.
2°/ Pose de 22 stalles avec fourniture de parquet, appuis en forme de prie-Dieu
à panneau et pilastre, lambris d’hauteur de six pieds de haut avec
corniche. Le tout en bois de chêne, peint en couleur de bois à
huile et vernis à deux couches.
¨Plus dans l’avant chœur neuf toises de lambris de hauteur de
bois de chêne.. ” (deux pleines pages de travaux et transformations
suivent). Tout ceci faisait dire par la suite à Dom Nicod que lors du
départ des religieux de Grandmont, ceux-ci laissaient un prieuré
en excellent état.
Le père Bruno Robillard fut prieur de 1736 au 2 novembre 1757, date à
laquelle le père François Nicod le remplaça. Dernier prieur
claustral grandmontain de Louye et vicaire général de l’Etroite
Observance, Nicod ne fut malheureusement pas étranger à la disparition
de l’ordre.
Profitant de la confiance que l’Abbé général Mondain
de la Maison Rouge avait mis en lui, il manœuvra de concert avec la Commission
des Réguliers pour anéantir ce qu’il était chargé
de défendre. D. Mondain de la Maison-Rouge s’en aperçu,
mais trop tard. Il pouvait écrire dans ses mémoires :
“Dom Nicod pénétra mes vues. Il avait depuis longtemps,
sans ma participation et contre la teneur de ses pouvoirs, négocié
sourdement la destruction de cette branche de l’Ordre que mon autorité
avait confié à ses soins...D. Nicod, en prêtant l’oreille
aux sollicitations, en abandonnant les intérêts de son ordre, n’a
pas seulement franchi les pouvoirs que je lui avois donnés; il a abusé
de la confiance de mes religieux; il a tourné contre moi les armes que
je lui avais confiées, non pour écarter mon troupeau, mais pour
le conserver: qu’il en coûte à mon cœur de dévoiler
ces actes ténébreux”.
D. Nicod devait par la suite écrire un “ Livre-Journal des biens
et revenus de Louye”, dans le but certainement, entre autre, de se disculper
de ses agissements (voir Pièce N°3, page 38 à 43) . Le texte
du livre-journal de Chartres n’a jamais été publié
dans son intégralité. Guibert ne semble avoir eu entre les mains
qu’un texte partiel pris dans Auguste Moutié . Le texte relatif
à la suppression (page 40) est intégral, sans coupures, ni ajouts.
D. Nicod y reconnaît ne pas avoir voulu la réunion d’un chapitre
de son Observance. Plus loin il rejette la responsabilité de la destruction
de la Stricte Observance sur la conduite des religieux de l’Ancienne Observance.
Dom Nicod dans un premier temps proposa à la Commission de rassembler
dans quatre prieurés, Epoisses, Macheret, Thiers et Louye, les 42 religieux
de la Stricte Observance, ce qui fut accordé par des lettres-patentes
en août 1768.
Puis un an après il décréta que cela était impossible
:“La situation où ils se trouvaient, le petit nombre auquel ils
sont réduits, l’éloignement respectif tant des monastères
évacués que ceux encore subsistant, qui en rend l’administration
difficile et ruineuse, sont autant d’obstacles à leur désir
de perpétuer l’austérité de leur Réforme”
.
Dom Nicod déclara que les religieux préféraient s’agréger
à d’autres instituts, comme le demandait le roi par lettre du 3
mars 1770.
Dom Nicod et cinq religieux choisirent la Congrégation bénédictine
de Saint-Vanne (D. Genès Courtade, Jean-Baptiste Massillon, Louis Baud,
Jean-Baptiste Donzion et Jean-Baptiste Vallori), et six religieux choisirent
la Réforme de Cluny ( D. Mathieu Tournaire, Joseph Vialey, D. Pierre-Joseph
Dubétex, Michel Vialet, Claude-Thomas Moillard et Pierre Dromard).
Mais ces combinaisons ne purent aboutir, bien que les traités fussent
signés avec les deux congrégations, car les évêques
s’y opposèrent; ils comptaient hériter des revenus des monastères.
Les religieux durent s’agréger individuellement avec des pensions
que leur verserait l’ordre.(voir le tableau des pensions dans pièce
N°3, page 43).
Quant à Dom Nicod il s’était préparé une retraite;
avec l’accord de l’archevêque de Toulouse il avait obtenu
de la passer à Vieupou (n°150), au cas où il ne pourrait pas
s’habituer au régime de Sainte-Vanne !
Lorsqu’en 1770 les derniers religieux grandmontains quittèrent
ce qui avait été le prieuré chef de la Stricte Observance
et sa maison d’études, pour les communautés où ils
s’étaient agrégés, le prieuré resta vide pendant
trois ans.
Les biens du prieuré de Louye furent répartis entre l’hôpital
de Dourdan, le petit séminaire de Chartres, et l’abbaye des Bénédictines
de Saint-Rémy des Landes. Ces dernières y transférèrent
leur communauté le 24 octobre 1773, avec le titre d’abbaye de Louye.
Le séminaire Saint-Charles de Chartres reçu les bois et les terres
des manses priorales et conventuelles dont la rente sur Chalou-la-Reine, à
charge pour lui de régler jusqu’à extinction les pensions
des moines et à fournir à l’abbaye de St Rémy 40
cordées de bois. Le séminaire touchera ces revenus jusqu’à
la Révolution. On trouve en ce qui concerne la rente sur Chalou la précision
suivante; dans une lettre le Commandeur d’Etampes, Mr Aufry écrivait
au supérieur du séminaire le 27 octobre 1789 :
“Je dois à votre séminaire une redevance en bled de 120
sacs, mesure de Chalou-la-Reine. Les circonstances me décident à
ne pas faire cet amas de bled dans mes greniers...Vous devez attribuer mon extrême
précaution à la circonstance du besoin présent où
l’on est d’avoir du pain...Je réclame pour les pauvres de
mes deux paroisses une somme afin de leur procurer du pain et du travail. Mon
dessin étant de procurer quelques travaux publics utiles aux deux paroisses
et de faire distribuer toutes les semaines du pain aux veuves, vieillards et
enfants, et de la viande aux malades...”
L’hospice de Dourdan se substituait à Grandmont pour la perception
des dîmes de St Germain de Dourdan, de St Léonard des Granges,
et de Sermaize.
Quant à la communauté de St Rémy des Landes, elle recevait
les bâtiments claustraux, l’église, la basse-cour (ferme),
96 arpents de terres labourables, 3 quartiers de pré dans la vallée,
et quelques autres avantages.
Le brevet du Roi du 9 septembre 1775 éteignait et supprimait à
jamais le titre de prieuré de Louye, et créait un prieuré
simple et séculier doté de 1.200 livres, à la charge du
séminaire.
Ce nouveau prieuré avait les faveurs royales car il était destiné
à recevoir des dames “fatiguées” des relations mondaines,
sorte d’hôtellerie pieuse, mais surtout il permettait un internement
administratif de personnes que l’on désirait voir éloignées
du “monde”. Il suffisait d’une lettre de cachet du Roi, d’un
ministre, voir même d’un particulier (maris, pères) pour
éloigner de la société, femmes ou jeunes filles, dont la
conduite laissait “à désirer ”.
En 1779, Louye avait comme pensionnaires, les demoiselles de Beaufort, Saint-Félix,
Saint-Benoît, de Talence, mais surtout Clémentine, la fille du
Prince de Rohan-Rochefort, la nièce du Cardinal de Rohan, archevêque
de Strasbourg (le cardinal du Collier de la Reine). Elle était à
l’époque de son arrivée enceinte du futur Henri de Rohan
et avait préféré, sous le coup d’une lettre de cachet,
son internement à Louye. C’était un choix qui était
laissé aux dames de la haute noblesse.
Le tout était dirigé par une dame fort en vue, Mme Pierrette du
Portal. La famille du Portal était très liée avec la puissante
famille des Rohan, et il semble que la famille de Rohan-Rochefort dont les propriétés
sont voisines de Louye ne soit pas étrangère à la nomination
comme abbesse de Mme du Portal.
Elle se dépensa pour sa nouvelle tâche. Encore jeune, (39 ans),
elle parvint en employant ses hautes relations : la Princesse de Rohan, l’Archevêque
de Bordeaux, le Cardinal de Luynes et Lambert, contrôleur des finances,
à faire passer les revenus de Louye de 6.436 à 26.000 livres.
Elle reçu 80.000 livres de secours de toutes sortes, les biens du prieuré
de Courville, qui était lui aussi supprimé par la commission des
Réguliers.
Les lettres d’un futur conventionnel, le sieur Sergent, nous décrivent
l’atmosphère qui régnait dans cette prison dorée.
Sergent avait conçu un amour pour une dame de Chartres, Marie Marceau.
Cette Marie Marceau fut mariée à un homme beaucoup plus âgé
qu’elle, Mr de Cernel, Procureur au Tribunal du baillage de Chartres.
Ce dernier se révéla brutal et grossier, dès les premiers
jours de leur union, et Marie entama une action en séparation de corps.
Le Tribunal la lui accorda avec une pension de 600 livres, à charge pour
elle de se retirer dans un couvent. Elle choisit Louye, et c’est là
que Sergent lui rendit visite.
Il écrivait :
“Pendant les vêpres, que l’Abbesse quitta, son jardinier m’introduisit
dans le jardin où je fus reçu par Emira et Mademoiselle de Salverte
qui me conduisirent dans un fort joli petit bois, au centre duquel était
une chaumière que l’Abbesse appelait sa laiterie. Elle m’y
reçut avec une jolie collection de laitages, de pâtisseries, de
sucreries, le tout embelli par une gaîté spirituelle, car elle
était, comme toutes les femmes de la Cour, vive et légère.
Le lendemain, après avoir dîné au parloir, on vint m’inviter
à aller prendre le café dans le salon de l’Abbesse où
se trouvait un cercle de dames et de grandes demoiselles et deux religieuses
qui mangeaient à sa table. Il manquait à cette réunion
deux jolies demoiselles placées là par ordre du Roi et que l’Abbesse
confiait à Emira seule pour les mener à la promenade; l’une
était la belle-fille de l’Intendant de Bordeaux, grande et belle,
l’autre, très jolie, était la fille du Directeur général
de l’Arsenal de Paris.”
Vers 1785, Mme du Portal fit modifier et améliorer les bâtiments;
construire la tribune qui existe dans la nef sur le mur sud, et qui lui permettait
d’y accéder directement de ses appartements. Car disait-elle “je
suis en mauvaise santé depuis deux ans ce qui rend le trajet de l’église
bien pénible” écrivait-elle en 1786 à l’évêque
d’Autun “ je suis peut-être la seule abbesse, qui n’ait
pas en sa possession une tribune”. Elle fit construire au fond de l’église
une autre tribune pour l’orgue, c’est à ma connaissance la
première église grandmontaine à avoir été
équipé de cet instrument.
Elle envisagea d’autres aménagements dont celui de vitrer le cloître
: “Le cloître n’est pas vitré: tel temps qu’il
fasse, les religieuses sont obligées de le traverser pour aller au chœur
et elles sont exposées comme en pleine campagne à toutes les injures
du temps”.
Elle fit venir l’architecte des Rohan, Arkangé sans doute, qui
s’apercevra que les murs ne sont pas assez solides pour soutenir la structure
envisagée. Il fallait faire pour 23.000 livres de travaux. Mme du Portal
si elle était en mauvaise santé pour vaquer à ses œuvres
de piété ne l’était pas quant à sa plume et
elle écrivit à l’évêque d’Autun, M. de
Marbeuf, la lettre suivante :
“Vous êtes si bon, Monseigneur, ma confiance en vos bontés
est si entière, mes besoins si vrais que j’ose espérer que
vous accueillerez ma juste demande. Ce n’est rien moins que de l’argent
comptant que je vous demande, Monseigneur, mais l’assurance de la somme
de 23.000 livres. Comme il est doux de contracter reconnaissance avec vous...
et en mai 1786 elle écrivait au même évêque :
“Vous avez reçu avec tant de bonté, Monseigneur, un échantillon
de mon ouvrage en filet que je veux vous offrir un en broderie...Je veux, Monseigneur,
consacrer ce qui me reste d’yeux à la reconnaissance que je vous
dois, ne me refusez pas cette grâce où je n’oserais plus
compter sur vos bontés. Elles sont trop nécessaires à mon
bonheur pour que je n’en sollicite pas la continuité avec insistance
en vous offrant de nouveau l’expression de tous les sentiments ...”
Mais la source se tarissait, car le 13 juillet 1788, un terrible orage ravageait
la France du Nord, de la Normandie aux Ardennes. Cet orage dévastait
les récoltes; il déclenchera la famine vécue douloureusement
par les populations de juin à Août 1789, avec les suites que nous
connaissons. Cet orage n’épargna pas les propriétés
de Louye, les fermes de Clairefontaine, d’Orphin, de Rambouillet qui seront
gravement atteintes, les récoltes perdues, les toitures écrasées
par la grêle. Il faudra remettre aux exploitants le loyer d’une
année, leur fournir des grains, des semences, des engrais... L’abbesse
sollicita, l’évêque restera sourd, toute la France était
touchée.
Louye pendant la Révolution.
Le lendemain de la prise de la Bastille, Mme du Portal distribua des cocardes
tricolores à toutes les personnes de la maison, et fit chanter un “Te
Deum” pour célébrer le triomphe de la Liberté.
En décembre 1789, elle remit au citoyen Lecoy, maire des Granges, l’état
général des “biens, fonds, rentes et toutes espèces
de propriétés” de Louye. Elle contribua également
à l’achat de deux fusils pour la garde Nationale de Dourdan. En
Juillet 1790 elle reçut à Louye “La Musique Nationale”
des gardes des Granges-le-Roi et de Dourdan.
Sur les 21 sœurs, malgré la loi leur rendant “la liberté”
quatre seulement entrèrent dans le monde en 1790, les autres préférèrent
rester à Louye .
Le 26 janvier 1791, le Procureur-syndic du District de Dourdan, le citoyen Lubin-Lecoy,
maire des Granges, assisté de deux autres personnes se présentèrent
à Louye pour assister aux élections destinées à
nommer pour deux ans une supérieure et une économe. L’ancienne
abbesse fut élue supérieure.
La situation se gâta lorsqu’à la suite de la Constitution
civile du Clergé, Mme du Portal remplaça le chapelain Bommardot
par un vicaire de St Chéron le Père Piedbourg. Ce dernier ayant
refusé de prêter serment avait dû abandonner son poste. L’église
de Louye attira les fidèles ne voulant pas de curé assermenté,
et fit figure de centre contre-révolutionnaire.
Devant l”inquiétude des patriotes ” de Dourdan, du “Club
des Amis de la Constitution”, les autorités invitèrent Mme
du Portal à fermer son église à toute personne étrangère
au couvent.
La nouvelle de la fuite du Roi parvenue à Dourdan le 21 juin, ranima
les passions. La foule s’amassa et réclama des perquisitions. Le
citoyen Geoffroy, curé assermenté de Dourdan et procureur-syndic,
se rendit à Louye à la tête de vingt gardes nationaux. Après
avoir parlementé longuement, Mme du Portal laissa fouiller le couvent
de la cave au grenier. La petite troupe ne trouva rien et se retira bredouille.
Le 17 août 1792, le clergé régulier fut entièrement
supprimé, et le 9 septembre, Pierre-Julien Barbery, greffier des Granges
notifiait officiellement la loi du 17 août ordonnant l’évacuation
de Louye pour le 1er octobre. Le lendemain, les frères Rabourdin, prêtres
réfractaires en fuite, furent arrêtés à Louye par
des commissaires. L’affaire devenait grave pour Mme du Portal qui fut
fichée.
Le dimanche 19 septembre 1792 la notification d’évacuation de l’abbaye
pour le 1er octobre fut délivrée aux religieuses :
“Aujourd’huy Dimanche neuf septembre mil sept cent quatre vingt
douze, j’ai Pierre Julien Barbery secrétaire greffier de la municipalité
des Granges le Roi, me suis transporté en la maison ci-devant abbaye
de L’Ouye, parlant à Mme Du Portal ci-devant abbesse de ladite
maison ainsi qu’aux autres dames religieuses de ladite maison ainsi qu’elles
m’ont dit être, toutes assemblées dans une même chambre,
je leur ai notifié et laissé une expédition d’une
loi, dattée du 17 août 1792 l’an 4 de la liberté,
quel prescrit que pour le 1er octobre prochain toutes les maisons encore actuellement
occupées par les Religieuses, ou par les Religieux, seront évacuées
par lesdites Religieuses ou Religieux et seront mis en vente à la diligence
des corps administratifs....
Que devint Louye? L’argenterie d’église inventoriée
fut expédiée à Paris le 1er octobre 1792, une vente eut
lieu le 28 octobre 1792 .
On peut noter dans l’inventaire les pièces suivantes :
“un soleil de vermeil avec couronne garnie de pierres fausses; une croix
de vermeil, deux calices et leurs patènes, un ciboire en argent, seize
chandeliers d’autel cuivre et argent, etc...”
“ Jean-Louis Guibaudon, Pierre-François Thirouin, Jean-François
Lemoine, huissiers cy-devant royaux “ vendirent le mobilier. En marge
du document est écrit la mention suivante “ Corporation supprimée”.
Dans cette vente on relève entre autres :
“Un prie-Dieu, un lutrin, un bénitier en pierre achetés
par le citoyen Lefort Allais, bourgeois à Dourdan.
“deux statues (un évêque, un moine) en bois avec ornementation
d’alentours en boiserie, compris deux colonnes avec autres statues représentant
deux religieuses et toute la boiserie du choeur avec les stalles, balustrades,
et non compris la grille en fer, vendus et adjugé au Sieur Harriveau,
laboureur à ladite ferme de Louye pour 650 livres”
“La boiserie de la sacristie au citoyen Diars, revendeur à Dourdan
pour 100 livres”
Un tableau représentant la Vierge avec son cadre bois sculpté
au citoyen Mauvais pour 7 livres”
Un banc de sacristie en bois de chêne au citoyen Guénée
le Jeune, marchand à Dourdan pour 10 livres...”
La grille qui séparait la nef du chœur fut démontée,
car aux yeux de la loi, elle pouvait fournir des piques. Elle fut envoyée
à Versailles d’où elle reviendra en pièces détachées
qui seront vendues au prix de six livres et demi.
Mme du Portal fut arrêtée le 31 Mars 1793, relâchée
le 31 Mai, puis de nouveau arrêtée sur ordre du citoyen Crassoux,
conventionnel en mission, traduite devant le Tribunal Révolutionnaire
le 14 juin 1793. Emmenée à Versailles le 7 messidor ( 26 juin
1793), Mme du Portal fut internée à la Conciergerie. Le lendemain
8 messidor (27 juin 1793) elle fut jugée par Antoine-Quentin Fouquier-Tinville;
condamnée à mort pour correspondance avec l’ennemi, elle
fut immédiatement exécutée
Les locaux du prieuré dans lequel on pensait emprisonner les suspects
de la Sarthe devant l’avance des Chouans, ne furent pas retenus, car jugés
trop petits.
Mis en vente, Louye fut acheté 45.000 livres par les citoyens Flabbée,
marchand épicier à Dourdan, Béchaud, Sauton et Julien.
Ceux-ci comptaient après avoir acquitté la partie exigible et
présentée une caution sur le solde, pouvoir démolir les
bâtiments pour en vendre les pierres. Mais il se produisit l’événement
aussi extraordinaire qu’imprévu que voici.
Flabbée écrivit à un de ses amis en place la lettre suivante
(l’orthographe a été respectée):
“Liberté, Égalité (la Fraternité a été
oubliée ?)
Dourdan le 24 Messidor 2ème année de la République.
(12 juillet 1794)
Citoyen, Je me rappel que plusieurs fois tu mas offert de mètre util
si Locasion sen présentait, persuadé que tu tiendra taparol jai
recour à toi pour accelerer lafaire dont je vais te parler.
Je me suis rendu adjudicataire de La maison de Louye dans l’intention
de demolir laditte maison pour y parvenir jai adressé une petition a
Ladministration du District tendant a être authorisé afaire ladite
démolition, à ma pétition était jointe la quittance
du C Heraux, Receveur, qui constate que jai payé le premier terme exigé
par la Loy pour pouvoir entrer en posession; et à légar de ce
qui reste à payer jai offert Bonne et solvable caution; pour quoy Ladministration
vient de faire passer au Département son avis qui porte qu’il y
a lieu par le Département dacordé Lad. authorisation, pour quoy
je te prie citoyen ami sitot que le Département aura fait droit à
Mademande de faire expedier son arrété et me le renvoyer le plus
promptement posible; car cette maison qui ce trouve Ecosté de tout Lemonde
qui ne ferme pour ainsi dire point, est exposée a des delapidations terrible,
Jattan ce service de toy, toffre les miens et te prie de me croire. Ton concitoyen
Flabbée.
Et le 26 fructidor an 2 (12 septembre 1794) Flabbée reçoit l’extrait
du registre des délibérations de l’Administration du District
de Dourdan ainsi libellé:
“Séance du vingt et un fructidor l’an deux Républicain
(7 septembre 1794).
Vu l’arrêté du département du onze thermidor par lequel
en arrêtant qu’il y a lieu de délibérer sur la pétition
du citoyen Flabbée Bertrand et Julien, adjudicataires de la Maison ci-devant
conventuelle de L’Ouye, tendante à être autorisé à
démolir ladite maison en offrant caution, il invite cette administration
à lui donner connaissance dans la décade de l’époque
des dernières inhumations faites dans le cimetière dépendant
de ladite maison et à enjoindre provisoirement auxdits adjudicataires
de se conformer à la loi du quinze mai mil sept cent quatre vingt onze
(vieux style).
Vu la lettre adressée le dix neuf thermidor à la Municipalité
des Granges par l’Agent National par laquelle il invite à faire
connaître à l’administration l’époque de la
dernière inhumation faite dans le cimetière de la maison ci-devant
conventuelle de l’Ouye.
La réponse de ladite Municipalité en date du dix-huit de ce mois,
par laquelle elle instruit l’administration que la dernière inhumation
faite dans le cimetière en question a été faite le vingt
trois juin mil sept cent quatre vingt dix (vieux style).
Vu l’article neuf de la loi du quinze mai mil sept cent quatre vingt onze
(vieux style) portant que les cimetières ne pourront être mis dans
le commerce qu’après dix années, à compter depuis
les dernières inhumations. L’Administration considérant
que la dernière inhumation faite dans le cimetière en question
l’ayant été le vingt trois juin mil sept cent quatre vingt
dix, il est constant qu’aux termes de la loi ce cimetière ne peut
être mis dans le commerce qu’après l’époque
du vingt trois juin de l’année mil huit cent (vieux style).
Considérant que c’est par erreur que la clause prescrite par l’article
ci-dessus relaté n’a point été insérée
dans le procès-verbal d’adjudication faite le quatorze messidor
de la maison ci-devant conventuelle de l’Ouye et qu’il est de son
devoir de rectifier cette erreur, enjoint aux citoyens Flabbée fils Bertrand
et Julien, Sauton, adjudicataires de ladite maison de se conformer aux dispositions
de la loi du quinze mai mil sept cent quatre vingt onze ci-dessus citée.
Et arrété qu’expédition du présent sera adressée
auxdits adjudicataires, à l’effet par eux de se conformer, et une
autre expédition au Département.
Pour expédition Codechêvre.
Louye au XIXe siècle.
Louye échappera provisoirement à la démolition; les religieuses
enterrées dans le cloître avaient sauvé Louye. Après
réclamations les adjudicataires obtiendront l’autorisation de démolir
les bâtiments qui n’étaient pas contigus au cloître.
Ce qui explique que la voûte de l’église en parfait état
avant la Révolution se trouvait “écroulée”
au XIXème s, comme le signale Joseph Guyot dans son livre sur Dourdan
écrit en 1869. Les Flabbée n’attendirent pas le délai
d’autorisation de démolir ou peut-être le vandalisme révolutionnaire
n’était plus aussi virulent à la fin du siècle, et
ils vendirent Louye à Mr Vincent Dassonvilliers.
Ce dernier vendit le château à M. Ventenat, notaire à Paris
en 1850, qui revint par héritage à son petit-fils. La jeune Mme
Ventenat née Gratiot n’appréciait pas particulièrement
le style monastique de son habitation, et Louye fut “transformé”.
On obstrua les ouvertures de la salle capitulaire, on aménagea un double
plafond dans les salles voûtées et on posa des parquets sur les
dalles. La tribune de Mme du Portal fut obstruée. On fit édifier
une grande terrasse qui existe toujours devant le bâtiment Est, et on
y édifia une immense véranda.
Vers 1880 M. Etienne-Marius Béranger hôtelier, directeur du casino
de Wimereux (Pas-de-Calais) acheta Louye.
Louye au XXe siècle.
Le 2 juin 1902, M. Béranger avait fait insérer l’annonce
suivante dans “le Courrier de Dourdan» :
“À vendre le château de l’Ouïe par Dourdan, contenance
245 hectares, terres et bois d’un seul tenant, chasse très giboyeuse,
entourée par la forêt de l’Etat, ferme et bois de bon rapport,
s’adresser au propriétaire, M. Béranger, 35, rue Saint-James
à Neuilly ”.
M. Béranger ne dut pas trouver d’acquéreur et à son
décès le 29 Mars 1908 à Wimereux, le bien revint à
son fils mineur Etienne-Marcel Béranger né le 25 août 1898,
et pour l’usufruit du quart, à sa veuve Mme Berthe Béranger,
née Dovifat.
Le château fut vendu le 23 décembre 1908 devant Me Michaut, notaire
à Dourdan, pour la somme de 56.000frs à Mme Parmentier née
Boisseau.
M. Parmentier était épris d’art et recherchait le calme,
il s’y installa en compagnie de sa femme et de sa mère. Cette dernière
était impotente et chaque vendredi, à 7h du matin, par n’importe
quel temps, Mr le curé de Dourdan devait lui apporter la communion. M.
Parmentier l’attendait habillé, le flambeau à la main dans
l’entrée, pour le conduire au chevet de sa mère.
M. Parmentier se mit en devoir de remettre les lieux dans leur aspect d’origine.
Il fit venir des ouvriers italiens pour six mois, mais ils restèrent
trois ans, tant il y avait à faire. La fortune de M. Maurice Parmentier
fondit comme neige au soleil. La tribune de l’abbesse fut rouverte, la
voûte de l’église remontée en berceau, les fenêtres
romanes de la salle capitulaire dégagées, la véranda démontée
et revendue à l’auberge du Château à Dourdan. Mais
il dut renoncer à faire restaurer le cloître et à démolir
la terrasse construite par M. Ventenat . Mais c’est lui qui fit transformer
le fond de la nef en pièces d’habitation pour y loger sa mère.
Il fit remonter la tribune de l’orgue, au fond de la nouvelle église.
Pendant la guerre de 1914, Louye fut transformé en maison de convalescence
pour l’hôpital militaire de Passy, dont le directeur n’était
autre que son oncle. C’est à cette époque que M. Maurice
Parmentier fit ouvrir la porte au fond de l’église donnant sur
le parc (face Nord).
Le 10 janvier 1924, M. et Mme Parmentier-Boisseau achetèrent la ferme
de l’Ouye à M. Louis-Alphonse Georges Dasset et sa femme Mme Jeanne-Elisabeth
née de Gournay, habitant 24 bis, rue Singer à Paris pour la somme
de 110.000 frs devant Me Michaut, notaire à Dourdan.
M. Parmentier perdit sa femme née Marie-Louise Boisseau le 27 juin 1933.
Puis vint la guerre de 1939, M. Parmentier qui résidait déjà
l’hiver à Paris, rue Blanche, loua Louye à la Sté
Aron frères et Cie de Nancy. Cette société y entreposa
une partie de son stock de tissus. M. Maurice Parmentier décéda
en 1941, et pendant deux ans Louye resta un havre en dehors du temps, jusqu’au
lundi 23 août 1943.
Cette nuit-là à trois heures du matin l’aviation anglaise
largua plusieurs containers d’armes. 44 mitraillettes, 6 revolvers, et
une centaine de grenades furent réceptionnées par les résistants
Valton, Dovilliers, Boissay, Touvenot, et les frères Denichert. Le matériel
fut immédiatement caché dans les souterrains du prieuré.
Mais une distribution hâtive des toiles de parachutes à Dourdan
au cours des jours qui suivirent, fut la cause d’indiscrétions
puis d’arrestations. Le 1er septembre 1943, à 6h30 du matin, la
Gestapo cerna le prieuré. M. Valton fut ficelé sur le capot d’une
des voitures et emmené à la Kommandantur de Dourdan, afin d’y
être interrogé. Le reste du personnel présent à la
ferme et à l’abbaye fut également arrêté par
une quinzaine d’hommes en civil, armé de mitraillettes. Deux d’entre
eux purent s’échapper. Le personnel fut aligné le long d’un
mur et chacun dut subir un interrogatoire assaisonné de coups de crosses,
le canon de la mitraillette braqué dans le dos. Tous furent relâchés,
y compris le chef de réseau, M. Valton. Mais la liberté de ce
dernier fut de très courte durée, car le même jour il fut
arrêté de nouveau à 16 heures. Interrogé brutalement,
il fut dirigé sur le camp de concentration de Buchenwald, d’où
il ne reviendra qu’à la Libération. Toutes les armes furent
saisies, ainsi que le stock de tissus.
La
guerre terminée, il devenait urgent de vendre Louye, de préférence
à une communauté religieuse, tel était le vœu
de M. Parmentier. En 1945, les religieuses de l’ordre de Ste Ursule
12 qui avaient perdu leur couvent d’Orléans, brûlé
des faits de guerre, s’en portèrent acquéreurs. Louye
devint d’abord la maison de repos des sœurs. Elles firent effectuer
divers travaux, effectuer divers travaux, l’autel fut transformé
en 1970. Au cours du décapage d’un mur du passage, une porte
ancienne murée, fut mise à jour. Dégagée,
elle recela un coffre-fort... vide. Elle donnait sur un passage qui permettait
d’accéder à l’église.
Photo : la messe du 8 septembre 1992 présidée par Mgr Herbulot. |
![]() |
retour les prieurés grandmontains |
haut de page |