Étricor vue du Sud-Est |
Fondée vers 1150, elle est considérée par les spécialistes de l'architecture grandmontaine comme étant du type le plus archaïque, et donc comme étant le prototype des chapelles construites par l'Ordre.C'est une petite église (nef : 17,20 m x 5,37 m) dont la nef est unique, sans fenêtres latérales, à la voûte légèrement brisée. L'abside est en hémicycle, voûtée en cul de four, et éclairée par un triplet. Le portail des fidèles s'ouvre au fond de l'église sur son mur Nord. Une grande lancette sur le pignon Ouest éclaire le fond de l'édifice. La porte des moines qui se trouvait sur le mur Sud a été bouchée sans doute lors de la destruction des bâtiments conventuels à la fin du XVIème siècle, et sert de niche à une statue de Saint Pardoux. Ce saint est très en honneur dans la contrée, car par son intercession il guérissait les animaux malades. Un pélerinage a lieu en son honneur le deuxième dimanche d'octobre. C'est une des très rares chapelles grandmontaines remises dans l'agencement de sa fondation. |
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Pour y parvenir d'Étagnac, commune sur laquelle est située cette chapelle, prendre la route de Chassenon jusqu'au village de Beaulieu. A Beaulieu traverser le village; et prendre un chemin à droite de la route. La chapelle se trouve à 300 m sur les bord de la Vienne dans un pré. La commune d'Étagnac a rachetée le bien, la chapelle et son environnement (fontaine votive, pêcherie, emplacement de l'ancien prieuré). La charpente et la toiture ont été restauré, les murs sud et Ouest ont été consolidé, et un chemin d'accès à l'édifice a été créé par la commune. L'organisation du pélerinage reste bien entendu à la charge de l'Association "les Amis d'Étricor". Cette association a fait restauré la statue dite de St Pardoux du XIVe siècle, et a fait remettre l'autel d'origine à son emplacement qui était le sien à la fondation du prieuré. |
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L'abside |
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L'autel remis tel qu'il était à la fondation de la chapelle. A l'époque le célébrant avant d'officier en faisait le tour en l'encensant |
Histoire :
Étricor fut fondé en 1151 sur un territoire que les princes de
Chabanais réservaient aux chanoines réguliers de Lesterps. Ces
derniers entretenaient des relations cordiales avec l’abbaye de Grandmont,
quant aux princes de Chabanais un membre de leur famille était mort sous
le froc grandmontain. C’est sans doute ce membre de la famille que les
écrits grandmontains appelle Eschivardus... miles nobilissimus, qui portait
la châsse de saint Etienne de Muret à Grandmont le jour de la canonisation
épiscopale en 1189 . De plus les princes, de Chabanais furent très
heureux d’accueillir les moines de Grandmont, surtout qu’Etricor
se trouvait aux confins de leur territoire, et dans une zone tampon avec les
chanoines de Comodoliac (St Junien) et de l’évêque de Limoges,
avec qui ils avaient eu de nombreuses frictions. Les Princes de Chabanais avaient
dû faire construire une maison forte vers les années 1080 à
Rochebrune pour mettre un terme aux incursions des hommes de l’évêque.
Les grandmontains reçurent de nombreux dons, Foulques de Lapleo donne
en 1191 le droit de pêche sur son moulin sur la Gorre, à condition
que les Bonshommes entretiennent l’écluse ; en 1210 Ythier, chanoine
du Dorat, donne ainsi que son frère Adhémar, tout leur droit sur
le moulin de Roche, sis dans la première écluse de la Gorre. Guy
Robert donne le 7 mai 1225 le moulin de Pilat. En décembre 1226, Raymond
Lobosc donne à la maison d’Etricor tout le droit qui avait sur
la Vienne, la fondalité du moulin de Pilat, plus huit setiers de seigle
de cens et rente foncière, et bien d’autres dons. Il reste aux
archives de la Haute-Vienne une multitude d’actes de dons durant tout
le XIII ème et XIVe s. une cinquantaine. Un acte retiendra notre attention,
c’est celui de décembre 1255, par lequel Raymond Lobosc donne à
la maison d’Etricor huit sols sur la seigneurie et fondalité du
mas de l’âge et la faculté de passer par tous les chemins
de sa terre avec des charrettes chargées et de prendre des pierres dans
ses terres pour continuer à bâtir. Puis vinrent les actes d’acquisitions,
d’abord de petites rentes, le 13 décembre 1251, Jourdain Delober,
curé d’Etagnac, vend à la maison d’Etricor, six deniers
de rente sur le moulin de Pilat, pour neuf sols qu’il reconnaît
avoir reçu par acte scellé du sceau de l’Official de Limoges,
le 13 décembre 1251. Le 7 mai 1282, Aymeric Pautu, seigneur foncier,
donne son investiture à la vente fait à la maison d’Etricor
par Etienne Poulat pour 36 sols d’une pièce de terre aux Sehers,
près de Chassenon.
Puis des achats plus importants, le mardi d’avant la purification de la
Vierge 1374, Jean Robert d’Etagnac vend à la maison d’Etricor
une borderie .Selon toute vraisemblance, Grandmont ayant annexé en 1317
Étricor, cette celle devient une propriété de rapport,
mais n’abandonne pas pour autant les prérogatives qui lui avaient
été attachées. Le 17 Mai 1437 “Gilles de Retz, Maréchal
de France, et Seigneur de Chabanais (le célèbre Barbe-Bleu) en
pays de Limousin, comme d’ancienneté nos prédécesseurs
Seigneurs de ladite terre de Chabanais, avaient fondé le prieuré
d’Etricor, et en laquelle fondation faisant nosdit prédécesseurs
avecque les métayers soient exempts de nos guets, et garde de notre dite
forteresse de Chabanais, sans autre dudit prieuré faire aucun devoir
ou ordonnance, fort et le service divin dont nous sommes informés douement...
pourquoi nous mandons à notre capitaine dudit lieu, et autres officiers
présents et à venir que ledit prieur, son métayer et leurs
successeurs, ils laissent jouir et user pleinement et paisiblement au temps
à venir lesdites franchises, lesquelles nous lui conférons tout
de nouvel enfants que mestier en serait donné à avoir sous notre
seing, et sont le 17e jour de May l’an de grâce 1437.
Signé : Gilles.
Tout le XVIe ne sont parvenu que des actes de gestion. Mais Étricor devait
faire des envieux, car le 31 mai 1573, Le Parlement de Paris est saisi par l’Abbé
de Grandmont car le Pape Grégoire XIII a pourvu Jean des Ardes par bulle
du prieuré d’Etricor ! Un arrêt de défaut est rendu
par cette juridiction, et le 20 août 1577, une confirmation est faite
par l’Abbé Rigaud de Lavaur de l’union d’Etricor à
Grandmont . Peut-être profitant de cette période trouble, le Sieur
de Rochebrune, démoli les bâtiments conventuels. Une enquête
est ouverte et le 12 septembre 1585, Jean Gresat, habitant le mas d’Etricor,
âgé de 45 ans “ a dit par serment sur les saints Évangiles”
ainsi que Léonard de Goursaut “demeurant au lieu d’Etricor”
déposent “ que le Sieur de Rochebrune a fait abattre la maison
le prieuré pour faire bastir son château, qu’il fait édifier
au lieu de la Croix”.
En 1590 une grande liasse donne un inventaire et l’extrait sommaire des
procédures qui concernent la maison d’Etricor sur les rayons du
Trésor par l’Abbé de Grandmont contre le Sieur de Rochebrune,
qui “avait usurpé la maison d’Etricor, démoli les
édifices, et en percevait les revenus depuis plusieurs années.
Ladite procédure fut portée à la chambre des requêtes
de Paris, qui donna une sentence portant décret de prise de corps contre
ledit de Rochebrune, qui ensuite vint à accommodement avec l’Abbé
de Grandmont par une transaction”.
Les malheurs ne s’arrêtèrent pas là, en 1606, une
procédure est intentée devant le juge de Chabanais, contre les
métayers et tenanciers, qui avaient été visiblement mis
en place par le sieur de Rochebrune. Il leur est demandé de “payer
des rentes et autres devoirs dont ils étaient chargés au profit
de ladite maison, et qu’eux ont payer à un usurpateur, et à
déguerpir dudit lieu, à quoi ils furent condamnés par sentence
dudit lieu en 1606”
Puis le 14 août 1613, une liasse de procédure à la Chambre
des Requêtes de Paris entre l’Abbé de Grandmont et un nommé
Rolandeau :
“Ce Rolandeau qui après la mort du Sieur Mathieu à qui ses
revenus d’Etricor avait été affermé le 15 juillet
1601 s’empara de tous les revenus, voulant en jouir comme fermier contre
la volonté de l’Abbé de Grandmont “
Il fut débouté de ses prétentions par une sentence du 23
mai 1612, et prié de restituer tous les fruits perçus depuis la
mort du légitime contractant. Le XVIIe siècle semble être
plus calme., Mais le prieuré est en triste état.
Dans un aveu du 8 mars 1625 on peut lire sur l’état des bâtiments
ceci :
“Estricor - Premièrement avoue ledit Sieur Abbé tenir ledit
lieu d’Etricor vouloir estre entièrement bastie et édifié,
sa maison ruinée et démolie par l’injure des guerres civiles,
ainsi qu’il apparaît par les vestiges et les fondements d’icelle
proche la chapelle située audit lieu avecque autres maisons, granges,
jardins, villards, puits, bois, vignes, reclos, vergers et autres domaines...”.
Ce texte laisse supposer que le Sieur de Rochebrune avait agi dans le cadre
d’une guerre civile, était-il membre de la R.P.R ? Ce texte le
laisserait penser.
L’ordre et le droit mis à mal durant le XVIe, et le début
du XVIIe siècle semble peu à peu se rétablir, mais bien
lentement car un arrêt du 14 juin 1681 confirmant un autre du 30 mai 1676
déclare :
“Vu par notre dite cour le procès par écrit conclu et reçu
pour juger en icelle par arrêt du 19 juillet 1580 entre les manants et
habitants de la paroisse d’Etagnac, appelant d’une sentence rendue
par les élus d’Angoulème le 30 mai 1676 d’une part,
et les abbés, religieux et couvent de Grandmont, intimez d’autre.
Laquelle sentence dont est appel contradictoirement rendu par lesdits élus,
par laquelle auroit été dite que les lettres de concessions données
aux abbés et religieux de l’abbaye dudit Grandmont, arrêts
de notre Conseil et de notre dite cour seroient délaissez au greffe de
ladite élection, pour y avoir recours quand besoin serait; et en conséquence
d’iceux auroit été dit que Jean et Pierre Delage, Pierre
et Jean Rousseau et Léonard Grenet, fermiers et colons desdits abbéz
et religieux du village d’Etricort, paroisse dudit Estaignac, seront rayez
et biffez des rôles des tailles, ce faisant que les sommes sur eux imposées
en la susdite qualité par les rôles des tailles de l’année
1676 leur seroient rendues et restituées par lesdits habitants, et à
cette fin régalées par le prochain rôle qui se ferait en
ladite paroisse, avec défense à l’avenir aux asseyeurs et
collecteurs d’icelle qui seront en charge, de taxer les sus-nommez ou
autres qui seront leurs métayers ou fermiers desdits abbez et religieux
dudit Grandmont “
Les actes qui suivent sont des actes de pure administration par lesquels on
apprend l’étendu des biens sur lesquels Grandmont percevait des
revenus, mais également le contexte par exemple :
“Le 27 novembre 1694, au faubourg du Pont-levis de la ville de Saint-Junien
, et maison à l’enseigne du Lion d’Or , après-midi
a été pris personnellement establit à cet endroit Léonard
Lacheny, religieux de l’abbaye de Grandmont, syndic d’icelle, lequel
de son plein gré et volonté lequel a affermé à Vincent
Chenaud, marchand de la ville de St Junien...”
Le 28 février 1710, le bail est reconduit dans un endroit plus conventionnel
:
“ Après-midi à Saint-Junien, maison du notaire royal, soussigné
était présent de droit :
Le révérend Père J. Maleden, religieux de l’abbaye
de Grandmont et syndic d’icelle y demeurant... lequel de son plein gré
a affermé au Sieur Martial Goursaud, sieur de Beaulieu demeurant au village
de la Jourdanie, paroisse de Pagéas en Limousin, présent et acceptant...
de la même manière que le sieur Jean Chenaud et feu son père
ont accoutumé d’en jouir...moyennant le prix de 700 livres payable
en deux termes. Le premier à la Toussaint, le second, fête de Notre-Dame
de Mars.” .
Le sieur Goursaud dans un acte de prolongation de bail du 7 juin 1714 s’intitule
Sieur de Beaulieu et habite Chassenon.
La chapelle semble être le seul bâtiment religieux subsistant à
cette époque, et au mois de Mars 1726 un mémoire de réparation
est dressé :
“Mémoire des réparations que j’ai fait faire à
Étricor au mois de Mars 1726 après les orages.”
La toiture sans aucun doute n’avait pas été entretenue et
avait entraîné dans sa chute la voûte, d’où
les grandes réparations que l’Ordre dû financer en 1731.
Pour comprendre cet effondrement de la voûte il faut savoir qu’à
l’origine, les tuiles ne reposaient pas sur une charpente, mais étaient
posées sur de la terre que l’on mettait directement sur la voûte.
Il suffisait que la surveillance de l’étanchéité
se relâche, l’eau de pluie pénétrait dans le lit de
terre, la végétation rapidement mettait à rude épreuve
la toiture.
On remonta la voûte mais en calcaire léger, et pour adapter une
charpente sur la totalité de la chapelle, on éleva les murs gouttereaux
de deux mètres à la nef et d’un mètre à l’abside.
Au début du XVIIIe siècle, Étricor était habité
par deux ménages d’exploitants et rapporte 700 livres annuels à
l’Abbaye au début du siècle et 800 livres en 1745.
C’est ce rapport qui permit à l’exploitation de financer
ces travaux.
Le premier tenancier, Jean Gaillard exploite 91 journaux 119 carreaux (32 ha
env.). La maison dont il dispose comprend deux chambres basses, une chambre
haute et une grange. Son Cheptel se compose de 2 bœufs, 4 vaches, et trente
brebis.
Le second tenancier, Jean des Aurières exploite 69 journaux 163 carreaux
(24 ha 50 a env.). Sa maison comprend trois chambres basses, une grange et une
étable. Son cheptel se compose de 2 bœufs, 4 vaches, et 40 brebis.
Leurs exploitations étaient composées de 48 % de terre cultivable,
29 % de pacage et 18 % de lande et chaume, ce qui explique l’importance
du troupeau de brebis. La vigne, malgré sa qualité, ne représente
que 3 % des surfaces, et les jardins 2 %.
Puis vinrent les jours sombres, la destruction de l’Ordre par la Commission
des Réguliers, et l’union d’Etricor à l’évêché
de Limoges et à son fastueux évêque... et peu de temps après
la Révolution.
Étricor, bien national fut vendu à la famille Barbarin-Lamartinie,
qui revendirent le bien en 1835 aux Goursaud de la Jousselenie. Par héritages
successifs, le bien passa aux de la Brunye, puis au Dr Jean Goutenègre
en 1894. Le Dr Jean Goutenègre revendit le bien à sa sœur
Marthe épouse du Lieutenant-Cnel Alfred Lanxade au début du siècle.
Le pré et la chapelle ont été vendus à la commune
d’Étagnac en Mars 2001 par la famille Ragot héritière
du bien. C'est donc la commune d'Étagnac qui gére le bien. Cela
a permi d'entreprendre des travaux que la famille ne pouvait financer. Elle
a d'abord fait refaire les joints des murs Sud et Ouest, la charpente et la
couverture. Elle a fait poser des vitraux sur les lancettes réouvertes.
L'association des "Amis d'Étricor" a pour sa part fait restaurer
la statue dite de St Pardoux (XIVe) et a fait remettre l'autel à son
emplacement initial.